Brexit : quels scénarios après le rejet de l'accord par les députés britanniques ?
Le projet d'accord avec l'Union européenne défendu par Theresa May a été largement rejeté par le Parlement, mardi soir. Franceinfo fait le point sur les scénarios possibles après ce vote sanction.
Le Royaume-Uni a plongé dans l'incertitude après le rejet massif, mardi 15 janvier, du projet d'accord sur le Brexit. Theresa May a survécu de justesse (325 voix contre 306), mercredi, à une motion de défiance déposée par le Parti travailliste au lendemain de ce vote sanction. La Première ministre a désormais quatre jours pour trouver un "plan B" qui convienne aux députés et à Bruxelles. Le Brexit peut-il être repoussé ou abandonné ? Le Royaume-Uni peut-il quitter l'Union européenne sans accord ? Franceinfo a listé les scénarios possibles.
Scénario 1 : Londres trouve un plan B
Theresa May doit maintenant s'atteler à la difficile tâche d'élaborer un plan B. En effet, début janvier, une majorité de députés a adopté un amendement qui contraint la Première ministre à présenter, sous trois jours ouvrés, une alternative à l'accord sur le Brexit s'il était rejeté. Elle devra donc dévoiler sa solution de rechange lundi 21 janvier. Ce texte sera amendable et, s'il est validé, Theresa May sera chargée d'aller le défendre à Bruxelles.
Immédiatiement après avoir survécu à la motion de défiance, mercredi soir, la Première ministre a invité les leaders de chaque formation à discuter avec elle de ce "plan B", "dans un esprit constructif". Jeremy Corbyn a décliné l'invitation. "Notre porte reste ouverte, a assuré Downing Street, dans un communiqué cité par le Guardian (en anglais). La tâche ne sera pas faceile mais les députés savent qu'ils ont le devoir d'agir dans l'intérêt de la nation et de trouver un consensus."
Les négociations s'annoncent toutefois complexes, selon le quotidien britannique. Theresa May a fixé un certain nombre de "lignes rouges", dont le refus d'une union douanière avec l'UE, qui entravent les discussions avec les europhiles. "Cela ne va pas fonctionner du tout, a averti une députée conservatrice. Peut-être que la Première ministre a besoin de plus de temps mais elle doit (...) cesser de jouer les lèche-bottes avec l'aile droite du parti et commencer à parler à ceux d'entre tous qui travaillent avec les autres formations depuis des mois." Vu le délai imparti, les tensions avec l'opposition et les propositions divergentes des pro et des anti-Brexit (tant au sein du Labour que chez les Tories), le gouvernement pourrait se contenter, lundi, de s'engager à négocier un meilleur accord avec Bruxelles, estime Le Figaro.
Scénario 2 : un nouveau référendum est organisé
Au sein des conservateurs comme des travaillistes, certains europhiles militent pour l'organisation d'un nouveau vote sur le Brexit. Ils espèrent que la sortie de l'Union européenne sera cette fois rejetée par leurs concitoyens. La Cour de justice de l'UE a estimé, en décembre, que "le Royaume-Uni est libre de révoquer unilatéralement la notification de son intention de se retirer de l'Union européenne". Si cette décision était prise "dans le respect de ses propres règles constitutionnelles", avant le 29 mars, "le Royaume-Uni resterait dans l'Union dans des termes inchangés quant à son statut d'Etat membre".
Le 16 janvier, 71 travaillistes ont publié une lettre demandant un nouveau "vote populaire", indique le Guardian (en anglais). Le même jour, un député conservateur a déposé deux projets de loi sur l'organisation d'un nouveau référendum, rapporte la BBC (en anglais). "Ils ont peu de chances d'être approuvés sans le soutien du gouvernement", note toutefois la radio britannique. Theresa May a d'ailleurs plusieurs fois rejeté cette option, estimant que "cela causerait un préjudice catastrophique à la confiance du peuple dans le processus démocratique et dans ses responsables politiques". Un porte-parole de Downing Street a redit, mercredi, que la Première ministre restait "concentrée sur la mise en œuvre du Brexit".
Scénario 3 : le Brexit est reporté
Pressé par le temps, le Royaume-Uni pourrait aussi demander une extension de l'article 50 du traité de Lisbonne, qui fixe un délai de deux ans pour la sortie d'un pays de l'Union européenne. Cela laisserait le temps au gouvernement de négocier un nouvel accord avec Bruxelles, puis au Parlement d'adopter les textes nécessaires à sa mise en œuvre. Mais Theresa May n'est pas favorable à cette option. "La position du gouvernement est que nous quitterons l'UE le 29 mars, a-t-elle répété mercredi face aux parlementaires, sans totalement exclure un report. Une extension de l'article 50 ne serait acceptée que s'il était certain qu'un accord est sur le point d'être trouvé."
"Si le Royaume-Uni formulait une telle demande en expliquant la raison, il appartiendrait aux 27 de se prononcer à l'unanimité sur cette demande", a de son côté rappelé le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas. "Un report aurait uniquement du sens si son objectif était d'arriver à un accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, a aussi mis en garde le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, cité par le Guardian (en anglais). A ce stade, il n'y a pas de consensus au Parlement britannique."
Selon un autre article du quotidien (en anglais), Bruxelles a déjà commencé à préparer un report du Brexit à juillet, au lieu du 29 mars. L'extension de l'article 50 soulève toutefois des interrogations concernant les élections européennes, note Le Monde. "Si elle devait aller au-delà [du vote] du 26 mai, le Royaume-Uni aurait l'obligation de participer à ce scrutin. A moins de changer les traités de l'UE dans l'intervalle, ce qui n'a quasi aucune chance d'advenir", écrit le quotidien.
Scénario 4 : le Royaume-Uni quitte l'Union européenne sans accord
Un dernier scénario, redouté par Bruxelles et par Theresa May, semble aussi possible. S'il n'y a pas de report du Brexit et que le Royaume-Uni se trouve toujours dans l'impasse le 29 mars à 23 heures (heure de Londres), le pays quittera l'Union européenne sans accord. "Le risque d'un 'no deal' désordonné a augmenté après le vote [des parlementaires britanniques]", estime ainsi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. L'institution a une nouvelle fois déclaré, mercredi, que l'accord conclu avec Theresa May n'était pas ouvert à la renégociation, rapporte Le Figaro.
En cas de "no deal", le divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne se ferait sans période de transition. Ce Brexit "brutal" risquerait de provoquer des perturbations dans les aéroports et les gares, une hausse des frais bancaires et téléphoniques et de nouvelles contraintes administratives, liste LCI. La Banque d'Angleterre estime par ailleurs que le "no deal" aurait un impact plus grave sur l'économie britannique que la crise financière de 2008 : la livre s'effondrerait de 25%, le chômage grimperait à 7,5% et l'inflation à 6,5%. "J'appelle le Royaume-Uni à clarifier ses intentions dès que possible. Le temps est presque écoulé", a mis en garde Jean-Claude Juncker.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.