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Brexit : ce qu'il faut savoir avant le vote du Parlement britannique sur l'accord avec l'Union européenne

Les députés britanniques doivent se prononcer mardi sur l'accord sur le Brexit, à deux mois de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Mais le texte n'a que peu de chances d'être approuvé.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
La Première ministre Theresa May arrive au sommet des chefs d'Etat européens à Bruxelles (Belgique), le 13 décembre 2018 (FRANCOIS LENOIR / REUTERS)

Theresa May parviendra-t-elle à faire passer son accord sur le Brexit au forceps ? Les parlementaires britanniques doivent voter, mardi 15 janvier, sur le texte négocié avec l'Union européenne. Mais le scrutin crucial, déjà repoussé une fois, risque fort de se solder par un échec majeur pour la Première ministre conservatrice. Que contient cet accord décrié tant par les pro-Brexit que par les europhiles ? Le gouvernement britannique a-t-il un plan B en cas de rejet du texte ? Franceinfo répond aux questions qui se posent autour de ce vote crucial.

Que contient l'accord sur lequel doivent se prononcer les parlementaires britanniques ?

L'accord validé par le gouvernement britannique et par l'Union européenne est un document de 585 pages, contenant 185 articles. Il prévoit notamment une période de transition qui débutera le 30 mars, au lendemain de l'entrée en vigueur du Brexit, et durera jusqu'au 31 décembre 2020. Pendant cette période, la situation actuelle sera maintenue s'agissant "du marché intérieur, de l'union douanière et des politiques européennes avec leurs droits et leurs obligations", a indiqué Michel Barnier, qui a mené les négociations pour l'UE. Cette période de transition pourra être prolongée une fois, jusqu'à une date limitée dans le temps, mais qui n'a pas été précisée.

Le Royaume-Uni devra par ailleurs s'acquitter de ses engagements financiers auprès de l'UE, pour la période 2014-2020. Si le montant de la facture n'a pas été annoncé, Londres estime qu'il se situera entre 40 et 45 milliards d'euros. En outre, "les citoyens européens établis au Royaume-Uni et les Britanniques établis dans un Etat membre de l'Union avant la fin de la période de transition pourront continuer à vivre leur vie comme avant dans leur pays de résidence".

L'accord prévoit également la mise en place d'un "territoire douanier unique" entre l'UE et le Royaume-Uni, en cas d'échec des négociations sur la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord. Comme l'explique Libération, les marchandises continueraient de circuler sans droits de douane entre le continent et l'archipel britannique, et l'Irlande du Nord resterait alignée sur les normes du marché unique (notamment dans le domaine sanitaire). Cela permettrait d'éviter le retour d'une "frontière dure" entre le territoire britannique et la République d'Irlande, toujours membre de l'UE.

Deux mois avant le Brexit… ce n'est pas un peu tard pour voter ce texte ?

Les négociations entre Londres et Bruxelles ont été longues et ardues. Il a fallu 17 mois à la Première ministre pour parvenir à un accord avec ses homologues européens. Celui-ci a été annoncé le 14 novembre. Le vote sur le texte au Parlement était initialement prévu un mois plus tard, le 11 décembre, mais Theresa May s'est trouvée fragilisée par l'opposition des députés et de ses propres ministres. Six d'entre eux ont démissionné pour protester contre les mesures négociées avec l'Union européenne. Redoutant de voir l'accord rejeté, la Première ministre a décidé, 24 heures avant le vote, de le repousser au mois de janvier. Bien que les chances de voir le texte validé soient toujours minces, elle ne devrait en théorie pas retarder à nouveau le scrutin.

Pourquoi le texte a-t-il de fortes chances d'être rejeté ?

L'accord trouvé par Theresa May ne convainc que peu de députés. Les pro-Brexit "durs" considèrent qu'il est trop favorable à l'Union européenne, notamment parce qu'il contraint le Royaume-Uni à "rester dans l'union douanière de façon transitoire"explique Christian Lequesne, professeur à Sciences Po et spécialiste de la politique européenne. Mais même au sein du parti conservateur, certains "pensent que l'accord est mauvais car le Royaume-Uni devrait rester dans l'UE comme un membre plein et entier".

Le petit parti unioniste nord-irlandais DUP, allié des conservateurs, compte également voter contre le texte, selon Les Echos. Le leader de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, a enfin appelé à rejeter le projet et "un faux choix entre ce mauvais accord et l'absence d'accord". Selon les projections réalisées par le Guardian (en anglais), lundi 14 janvier, 423 élus sur 650 devraient voter contre l'accord, et 216 pour. 

Est-ce que le gouvernement a un plan B ?

Selon la BBC (en anglais), "même les plus proches collaborateurs [de Theresa May] n'ont pas l'air de savoir si elle a un plan B" en cas de rejet de l'accord par les députés. La Première ministre britannique a martelé, depuis mi-novembre, qu'il n'y avait pas de meilleure option que le texte validé par son gouvernement et Bruxelles. "L'accord respecte le vote du référendum en traduisant la volonté du peuple en un plan détaillé et pratique pour un meilleur avenir, a-t-elle assuré lundi, selon le Guardian (en anglais). Personne d'autre n'a proposé d'alternative garantissant cela."

Une majorité de députés a toutefois voté un amendement déposé par les europhiles et qui oblige la Première ministre à présenter un "plan B", dans un délai de trois jours ouvrés, si l'accord sur le Brexit est rejeté mardi 15 janvier. Theresa May aurait donc jusqu'au lundi 21 janvier pour plancher sur une solution de rechange. Ce texte serait amendable, note Le Monde. "[Les députés] pourraient alors tenter de tester, au fil des votes, des formules de Brexit aptes à réunir une majorité", estime le quotidien.

Et si l'accord est rejeté, que se passera-t-il ?

En cas de "no-deal", le divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne se ferait sans période de transition. Les conséquences pour l'économie britannique seraient plus graves que la crise financière de 2008, selon les estimations de la Banque d'Angleterre : la livre s'effondrerait de 25%, le chômage grimperait à 7,5% et l'inflation à 6,5%.

Ne bénéficiant plus des accords négociés au niveau européen, les habitants du Royaume-Uni verraient leurs frais téléphoniques et bancaires augmenter, tout comme les frais d'import de produits venant de l'UE, ajoute LCI. Des milliers d'entreprises devraient à nouveau se soumettre aux déclarations de douanes et à d'éventuelles taxes, et les Britanniques voyageant en Europe auraient de nouvelles contraintes administratives.

Un Brexit sans accord pourrait enfin se solder, le 29 mars, par des perturbations dans les aéroports et dans les gares : les compagnies aériennes britanniques et européennes perdront le droit automatique d'opérer entre l'île et le continent et les licences des compagnies ferroviaires britanniques ne seraient plus valables. Londres a déjà signé des contrats avec trois compagnies de ferries, pour un montant de 120 millions d'euros, pour tenter d'éviter les embouteillages dans les ports.

Est-ce qu'il est encore possible de repousser le Brexit ?

En cas de rejet de l'accord, Theresa May pourrait tenter de négocier de nouveaux termes avec Bruxelles, selon le Guardian (en anglais). Mais elle se heurtera vraisemblablement à un mur. "Comme vous le savez, nous ne sommes pas en position d'accepter quoi que ce soit qui modifie ou est contradictoire avec l'accord de sortie [précédemment négocié]", indique une lettre signée par le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lundi 14 janvier.

L'UE pourrait toutefois laisser du temps à l'exécutif britannique pour se sortir de l'impasse. Le Guardian (en anglais) affirme que Bruxelles a commencé à préparer l'éventualité d'un report du Brexit au mois de juillet. Si elle a rappelé lundi qu'elle "ne pense pas qu'on devrait repousser l'application de l'article 50", Theresa May n'a pas totalement écarté cette possibilité.

Une extension pourrait également être demandée en cas de nouvelles élections générales au Royaume-Uni. Le Labour a menacé à plusieurs reprises de déposer une motion de défiance pour renverser le gouvernement de Theresa May. Mais les travaillistes ne disposent a priori pas du soutien suffisant, car les Tories redoutent de voir l'opposition remporter d'éventuelles législatives anticipées, analyse Libération. Dans tous les cas, un report du Brexit devrait être approuvé par les 27 pays membres et se heurterait à l'échéance des élections européennes, prévues fin mai et "impossibles à organiser dans un Royaume-Uni suspendu au Brexit", selon Le Monde.

Pourquoi ne pas l'abandonner, tout simplement ?

Légalement, l'annulation du Brexit est envisageable. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé, lundi 10 décembre, que "le Royaume-Uni est libre de révoquer unilatéralement la notification de son intention de se retirer de l'Union européenne". Cette décision, si elle était prise "dans le respect de ses propres règles constitutionnelles, aurait pour effet que le Royaume-Uni resterait dans l'Union dans des termes inchangés quant à son statut d'Etat membre". Il faudrait toutefois que le Brexit soit abandonné avant le 29 mars.

Politiquement, en revanche, il est difficile pour l'exécutif de revenir sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE. La Première ministre est opposée à un second référendum, préconisé par les europhiles. "Sans Brexit, nous risquons un renversement du processus démocratique", a estimé Theresa May, lors d'un discours prononcé lundi 14 janvier. Elle a donc appelé les députés à "réfléchir aux conséquences de leurs actions".

"Et si nous nous trouvions dans la situation [inverse] où le Parlement tentait de faire sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne en dépit d'un référendum pour y rester ? Cela causerait un préjudice catastrophique à la confiance du peuple dans le processus démocratique et dans ses responsables politiques, a-t-elle martelé. Nous avons tous le devoir de mettre en œuvre le résultat du référendum." Elle saura, mardi 15 janvier, si les députés ont entendu son appel.

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