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Et si le Brexit n'avait pas lieu ?

Quatre jours après le vote des Britanniques en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, de nombreux responsables britanniques et européens temporisent sur la sortie immédiate du pays de l'UE.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un homme porte un drapeau de l'Union européenne, devant le 10, Downing Street à Londres (Royaume-Uni), le 24 juin 2016. (NEIL HALL / REUTERS)

Qui assumera le divorce officiel du Royaume-Uni et de l'Union européenne ? Quatre jours après le vote des Britanniques en faveur d'une sortie de leur pays de l'UE, le royaume est en pleine tourmente. De nombreux dirigeants britanniques cherchent à gagner du temps sur les échéances du retrait. Une pétition polémique, réclamant l'organisation d'un deuxième référendum dépasse lundi 27 juin, les 3,7 millions de signataires.

Côté économie, les perspectives s'annoncent sombres : la livre sterling continue de dévisser, le pays a perdu le "AAA" attribué par l'agence Sandard & Poor's et 20% des chefs d'entreprise britanniques envisageraient de délocaliser une partie de leur activité. Face à ces déchirements internes, beaucoup se demandent si le Brexit aura finalement bien lieu. Francetv info liste les cinq raisons qui permettent d'en douter.

Le processus de sortie ne démarrera qu'à l'automne

Surtout, éviter toute sortie précipitée de l'UE. Quatre jours après le choc du Brexit, les responsables britanniques cherchent à rassurer les marchés et leurs propres citoyens en gagnant du temps. Vendredi, le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé sa démission et a indiqué qu'il laissait le soin à son successeur d'entériner la rupture "à l'automne". Un "cadeau empoisonné" pour son successeur, qui permet de gagner du temps sur les négociations et marque "une lueur d'espoir" pour les partisans du maintien, note The Guardian (en anglais).

De son côté, le ministre des Finances George Osborne a assuré que le pays n'entamerait le processus de sortie de l'UE lorsqu'il y aurait "une vision claire des nouveaux arrangements recherchés avec nos voisins européens".

D'ici là, les partisans du Brexit se veulent "conciliants"

Face à la colère des soutiens du "Remain" et au regret de nombreux électeurs d'avoir voté pour la sortie de leur pays, les plus virulents partisans du Brexit se montrent conciliants. Leader de la campagne du "Leave", le conservateur Boris Johnson a adopté un ton inhabituellement diplomate avec ses adversaires d'hier, en assurant que le Royaume-Uni faisait "partie de l'Europe" et que la coopération avec ses voisins du continent allait "s'intensifier".

Dans une tribune parue dans le Daily Telegraph (en anglais) dimanche, l'ancien maire de Londres a réaffirmé que la sortie de l'UE "n'interviendrait pas dans la précipitation" et a appelé les partisans du Brexit à "construire des ponts" avec ceux qui ont voté pour rester dans l'UE.

L’unique changement – et il ne viendra pas dans la précipitation – est que le Royaume-Uni va s’extirper de l’opaque et extraordinaire système de législation européenne.

Boris Johnson

dans 'The Daily Telegraph'

Le candidat à la succession de David Cameron se garde bien de détailler tout calendrier pour le Brexit, et assure que le pays conservera ses accès au marché unique européen, détaille Le Monde. "Les Britanniques pourront toujours aller travailler dans l’UE, y vivre, voyager, étudier, acheter des maisons et s’y installer", dit-il, cité par le quotidien. Alors que l'annonce de la sortie de l'Union européenne déstabilise les marchés, le fantasque conservateur promet également que l'économie du pays est "entre de bonnes mains", grâce au "superbe travail" du gouverneur de la Banque d'Angleterre.

L'Allemagne veut donner du temps à Londres

Si le Royaume-Uni souhaite prendre son temps, il doit gérer les demandes pressantes de certains dirigeants et responsables de l'UE d'accélérer le divorce. Samedi, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs de l'UE ont pressé Londres de démarrer le processus de sortie "dès que possible".

Le lendemain, le président du Parlement européen Martin Schulz a exhorté David Cameron à entamer la procédure de sortie dès mardi à Bruxelles, où démarre un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement européens. Mais finalement, les 27 ont choisi lundi de donner du temps au pays, étant donné la "gravité de la crise politique" que le référendum a enclenchée, note Euractiv.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a résumé l'impatience de Bruxelles : "Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement britannique a besoin d'attendre jusqu'au mois d'octobre pour décider si oui ou non il envoie la lettre de divorce à Bruxelles. J'aimerais l'avoir immédiatement." Un point de vue partagé par François Hollande, qui a appelé le Royaume-Uni à "ne pas perdre de temps".

De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a dit comprendre que le gouvernement britannique ait besoin de temps pour formaliser sa demande de sortie de l'Union européenne. "On ne peut pas se permettre une longue période d'incertitude", explique-t-elle, comprenant "que le Royaume-Uni ait besoin d'un certain temps pour analyser les choses". 

Angela Merkel a souligné que les négociations ne pourront commencer qu'après le dépôt d'une demande formelle de sortie de l'UE. "La demande doit venir du gouvernement britannique, et je n'ai là ni de frein ni d'accélérateur". Un de ses proches, Peter Altmaier, a même amorcé un revirement : "La classe politique londonienne devrait avoir la possibilité de réfléchir une nouvelle fois aux conséquences d'un retrait", reprend Le Figaro

L'article 50 du traité de Lisbonne n'a pas encore été invoqué

Comme précisé par Angela Merkel, tant que le Royaume-Uni n'a pas fait de "demande formelle" de sortie de l'UE, il reste dans l'UE. Devant la loi britannique, le référendum n'est pas juridiquement contraignant et a simplement une valeur consultative, rappelle Politico (en anglais). La sortie du Royaume-Uni de l'UE ne peut être effective, qu'à partir du moment où l'article 50 du traité de Lisbonne (en anglais) est invoqué.

Jamais utilisé jusqu'ici, cet article définit les modalités de retrait, volontaire et unilatéral, de se retirer de l'UE. Il ne nécessite aucune justification. Pour l'instant, aucun dirigeant britannique n'a invoqué cet article. David Cameron a assuré qu'il laisserait le soin à son successeur de l'activer, son ministre des Finances George Osborne a confirmé que le pays ne l'activerait "qu'au moment opportun"

Nous ne devrions activer l'article 50 que lorsque nous aurons une vision claire des nouveaux arrangements recherchés avec nos voisins européens.

George Osborne

Mais même invoqué, il n'est pas sûr qu'il puisse entrer en vigueur. Actuellement, la majorité des membres de la Chambre des communes (l'équivalent du Parlement britannique) est favorable au "Remain". Si la majorité des députés actuels ne se risquerait pas à ignorer le vote des Britanniques, "ils auraient le droit de voter contre la décision de tout Premier ministre d'invoquer l'article 50", rappelle Politico.

Face à cet imbroglio, le parti conservateur souhaite organiser de nouvelles élections législatives dès novembre, pour former un "gouvernement Brexit", note le site Euractiv.

Son activation relance la menace d'une sécession de l'Ecosse

En plus des pertes économiques et sociales, un Brexit pourrait bien faire perdre au royaume, une partie de son territoire. En Ecosse – région qui a voté à 62 % pour rester dans le giron européen – la Première ministre de la région Nicola Sturgeon a affirmé que le résultat du référendum rendait "hautement probable" l'organisation d'un nouveau scrutin sur l'indépendance de l'Ecosse après celui du 18 septembre 2014.

Elle a annoncé que son gouvernement voulait "des discussions immédiates" avec Bruxelles alors que le Parlement écossais doit se réunir mardi pour évoquer la situation. "Le Royaume-Uni pour lequel l'Ecosse a voté pour rester en 2014 n'existe plus", a-t-elle martelé, maintenant que les intérêts de l'Ecosse restaient sa priorité.

De nombreux observateurs ne sont pas convaincus que l'Ecosse soit prête à organiser un second référendum sur la question, ni à adhérer de nouveau à l'UE, en tant qu'Etat indépendant, en cas de succès, note Politico. L'Ecosse serait plus à même de négocier un statut "d'associé" avec l'UE, où elle aurait un accès privilégié au marché unique, une gestion propre de l'immigration ainsi qu'un contrôle sur les mesures liées à la pêche et à l'agriculture.

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