Royaume-Uni : comment Boris Johnson s'est disqualifié dans la course à la succession de David Cameron
La ministre britannique de l'Intérieur, Theresa May, et celui de la Justice, Michael Gove, sont désormais les favoris pour succéder au Premier ministre britannique, après sa démission au lendemain du Brexit.
Quelques heures à peine après la démission de David Cameron, vendredi 24 juin, le conservateur Boris Johnson apparaissait comme favori des bookmakers pour devenir le nouveau Premier ministre britannique conservateur. Une semaine plus tard, le voilà hors course. Contesté jusque dans son propre camp, le fantasque "BoJo", ancien maire de Londres et partisan actif du Brexit, a décidé de jeter l'éponge.
Deux ministres de David Cameron, Theresa May (Intérieur) et Michael Gove (Justice), sont désormais en course pour emménager au 10, Downing Street. Mais comment expliquer cette sortie de piste de Boris Johnson ?
Il est apparu incapable de gérer l'après-Brexit
Au lendemain du vote pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qu'il avait fermement défendue pendant la campagne, Boris Johnson a surpris l'opinion par ses tergiversations, et par son "incroyable impréparation", comme le souligne le Monde. Alors qu'il avait promis monts et merveilles si le pays quittait l'UE, Boris Johnson a paru rétropédaler dès l'annonce des résultats du référendum. Il s'est contenté de temporiser, en affirmant que le pays "ne tournait pas le dos à l'Europe", sans offrir aucune stratégie concrète. De quoi alimenter les critiques à son égard, jusque dans son propre camp.
"Les gens qui nous ont mis dans ce pétrin se sont enfuis. (...) Nous n’avons aucun plan pour l’avenir. Boris traite ça comme une partie de rigolade", a taclé, dès lundi, l'ancien ministre des Finances travailliste, Alistair Darling, résumant l'opinion de nombreux Britanniques. "La décision de Boris Johnson de soutenir le camp du 'Leave' a été vue comme une démarche opportuniste par un certain nombre de députés conservateurs, y compris ceux qui ont soutenu une sortie de l'UE", juge Tim Oliver, de la London Schools of Economics. Opportuniste : l'image colle désormais à la peau de celui qui n'a pas paru pressé d'entamer le divorce avec l'UE, ni de savoir comment procéder.
Opportuniste, et en dilettante : durant le week-end post-Brexit, ses parties de cricket, alors que le pays s'interrogeait sur son avenir, ne sont pas passées inaperçues, souligne Le Monde. Et que dire de sa chronique hebdomadaire publiée, lundi, dans le Telegraph, dans laquelle il a semblé totalement hors sujet sur bien des points.
L'ultime coup de poignard est venu de l'actuel ministre de la Justice, Michael Gove, qui a pourtant fait campagne en faveur du Brexit à ses côtés : "A regret, je suis arrivé à la conclusion que Boris ne peut pas assumer le leadership ou construire une équipe pour la tâche qui nous attend", a-t-il raillé.
Il n'a pas semblé pouvoir "réunifier" le Royaume-Uni
S'il n'est pas apparu à même de gérer l'après-Brexit, Boris Johnson n'a pas semblé davantage capable de réunifier un pays scindé en deux après une campagne sur le référendum très clivante. Theresa May, déjà présentée par la presse comme une "Thatcher bis", a enfoncé le clou dans une tribune publiée jeudi en une du quotidien britannique The Times.
La ministre de l'Intérieur s'engage, ainsi, dans une critique à peine masquée de Boris Johnson, à "réunir la Grande-Bretagne". Et d'ajouter : "Après le référendum de la semaine dernière, notre pays a besoin d'un dirigeant qui soit fort et reconnu pour traverser cette période d'incertitude économique et politique, et pour négocier, dans les meilleurs termes, la sortie de l'Union européenne."
Eurosceptique dans l'âme, elle avait pourtant choisi, en début d'année, à la surprise générale, de rester fidèle au Premier ministre et de défendre le maintien dans l'UE. Comme elle s'est bien gardée de faire campagne en première ligne, elle incarne pour de nombreux conservateurs un certain compromis, et apparaît à même de rassembler un parti profondément divisé.
Il est nettement moins populaire que Theresa May
A en croire une enquête effectuée par l'institut YouGov pour The Times, les adhérents conservateurs préféraient à 36% Theresa May pour le poste de Premier ministre, contre 27% pour Boris Johnson. S'il fallait convaincre l'ancien maire de Londres de se retirer, le sondage est tombé juste à pic.
Dans l'hypothèse où elle aurait été opposée à Boris Johnson, Theresa May aurait été soutenue par 55% des membres du Parti conservateur contre 38% pour "BoJo", précise ce même sondage
Dernière flèche décochée dans le Times : comme l'avait fait avant elle la fille d'épicier Margaret Thatcher, Theresa May s'est dépeinte en porte-drapeau des "Britanniques ordinaires", bien plus à même de comprendre leurs vies qu'Alexander Boris de Pfeffel Johnson, ex-élève de la prestigieuse école d'Eton... tout comme David Cameron.
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