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Le milliardaire américain George Soros, bête noire de la Hongrie d'Orban

Le Parlement de Budapest a adopté le 4 avril 2017 une loi pouvant conduire à la fermeture de l’Université d’Europe centrale (CEU), financée par le milliardaire américain George Soros. Lequel finance aussi de nombreux projets en Europe de l’Est. Bête noire du Premier ministre hongrois Viktor Orban, il est souvent pris à partie par des sites russes et occidentaux d’extrême droite. Portrait.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
George Soros lors d'une conférence à Francfort (Allemagne), le 9 avril 2013. (REUTERS - Ralph Orlowski)

La nouvelle loi hongroise prévoit notamment de priver de licence les établissements d'enseignement étrangers qui ne disposent pas de campus dans leur pays d'origine. Cette disposition vise particulièrement la CEU, institution anglophone fondée en 1991 en Hongrie par George Soros.

De son côté, celle-ci évoque un projet «discriminatoire». Plus de 900 universitaires du monde entier, dont 18 prix Nobel, ont signé une pétition exigeant le retrait de la loi, demande également relayée par les Etats-Unis. Le 1er avril, 10.000 personnes avaient manifesté pour soutenir la CEU.

De son côté, le gouvernement de Budapest entend corriger «des irrégularités» relevées dans le fonctionnement d’institutions étrangères. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a accusé George Soros de «tricherie». «Peu importe que vous soyez un milliardaire, vous n'êtes pas au-dessus des lois», a-t-il lancé sur la radio publique.

Ingérence ?
Le financier, lui-même d’origine hongroise, est l’une des bêtes noires de Viktor Orban et de plusieurs dirigeants d'Europe centrale et des Balkans. Lesquels lui reprochent de s'ingérer dans les affaires de leurs pays via les organisations qu'il finance.

Manifestation anti-Soros à Skopje (Macédoine) le 20 mars 2017  (AFP - ROBERT ATANASOVSKI)

Est ainsi visée Open Society Foundations (OSF). Objectif de cette fondation, selon son site: «Construire des démocraties vivantes et tolérantes dont les gouvernements sont responsables devant leurs peuples, et ouverts à la participation de tous» à la conduite des affaires publiques. En Hongrie, OSF soutient une soixantaine d’ONG engagées dans la lutte contre la corruption et les discriminations, pour l’investigation journalistique ou le soutien aux réfugiés. En 2008, il expliquait dans Le Monde avoir «investi plus de 100 millions de dollars (…) pour soutenir des projets» destinés à aider les Roms.

Au travers de sa fondation, George Soros, aujourd’hui gérant du fonds familial Soros Fund Management LLC, a investi plusieurs milliards de dollars en Europe de l’Est. En 2015, il se disait prêt à financer pour un milliard de dollars de projets en Ukraine. L’homme a les moyens de ses ambitions philantropiques (ou non): début 2014, son patrimoine était estimé «à quelque 20 milliards d’euros».

Quand Orban étudiait grâce à Soros
Ces dernières années, Viktor Orban a multiplié les attaques contre le milliardaire de 86 ans. Chose étonnante: le chef du gouvernement hongrois a étudié à Oxford dans les années 80 grâce à une bourse allouée… par George Soros.

En 2015, ferme partisan d’une politique intransigeante vis-à-vis des migrants, il n’a pas hésité à accuser le financier d’avoir «trahi» l’Europe en soutenant les migrants. Lesquels arrivaient alors par centaines de milliers sur le Vieux continent. George Soros a affirmé leur avoir versé 500 millions de dollars. Les plans de «brasseurs d’argent bien organisés, (de) ceux qui pensent au-delà des Etats nations, (de) dirigeants qui n’ont jamais été élus» pourraient devenir réalité, avait alors affirmé le Premier ministre lors d’un discours à Budapest.

Les attaques émanent aussi sur internet de sites russes favorables au Kremlin qui n’apprécient pas les déclarations du milliardaire sur la Russie et son président. Pour Sputnik, il est un «architecte du chaos». Là où il «apparaît, il faut s’attendre à des troubles sanglants».

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, au Parlement à Budapest le 4 avril 2017.  (REUTERS - Laszlo Balogh)

Ces accusations conspirationnistes, que l'on trouve également souvent sur des sites d’extrême droite, visent un homme qui veut avant tout promouvoir une «société ouverte», titre en anglais de sa fondation. Il a financièrement aidé Hillary Clinton face à Donald Trump, chantre d’un protectionnisme agressif. En janvier 2017, au Forum de Davos, il n’a pas hésité à traiter ce dernier d’«apprenti dictateur». Précisons que l’arrivée du promoteur immobilier à la Maison Blanche lui a coûté un milliard de dollars

Spéculateur… humaniste
Assurément, le personnage est hors du commun. Il est né György Schwartz en 1930 dans une famille juive à Budapest (Hongrie). Il réussira à échapper aux nazis en changeant onze fois de cachette! En 1947, il rejoint la Grande-Bretagne avant d’émigrer en 1956 aux Etats-Unis où il prend la nationalité américaine. En 1969, il créé le fonds spéculatif Soros Fund Management LLC, qui investit dans le monde entier. «Il gagne 3365% pendant les mauvaises années financières allant de 1970 à 1980», observe le journal suisse Le Temps.

En 1992, il se fait connaître du grand public en faisant «sauter la Banque d’Angleterre» (Le Monde). Profitant des désordres monétaires en Europe, il achète et revend pour 7 milliards de livres sterling. Ce qui contraint l’office monétaire d’Albion à dévaluer de 15% et à quitter le Système monétaire européen… Grâce à cette spéculation, George Soros encaisse plus d’un milliard de dollars!

Outre ses opérations sur les monnaies, il investit aussi bien dans les matières premières que dans les terres agricoles. Tout en se faisant donneur de leçon. Par exemple, quand il déclare, en 2014, que «l’Espagne a fait bien davantage que la France en matière de réformes structurelles». Il se définit lui-même comme «financier et spéculateur, philosophe et philantrope». Un «spéculateur» qui n’hésite pas à se dire «choqué par l’argent» qu’il gagne. Et «financier» humaniste prêt à aider Human Rights Watch! Paradoxe, quand tu nous tiens…

George Soros à New York le 20 septembre 2016 (AFP - GETTY IMAGES NORTH AMERICA - BRYAN BEDDER  )

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