Convocation de l'ambassadeur russe au Quai d'Orsay : "On ne l'aurait pas fait, c'eût été un aveu de faiblesse" de la France, selon un spécialiste

Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris, estime que cette convocation est "un coup de pression, un coup de réciprocité" et "un coup symbolique", lundi 5 février sur franceinfo.
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L'ambassadeur de Russie en France Alexey Meshkov lors d'une conférence à l'ambassade en janvier 2022. (LEO PIERRARD / AFP)

"On ne l'aurait pas fait, c'eût été un aveu de faiblesse" de la France, a expliqué lundi 5 février sur franceinfo Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris. L'ambassadeur de Russie en France, Alexey Meshkov, sera convoqué dans la journée au ministère des Affaires étrangères. Deux Français ont trouvé la mort vendredi lors d'une frappe à Beryslav, dans le sud de l'Ukraine. Emmanuel Macron avait dénoncé un "acte lâche et indigne". Pour Bertrand Badie, cette convocation "est un coup de pression, un coup de réciprocité" et "un coup symbolique".  Selon ce spécialiste des relations internationales "la convocation de l'ambassadeur fait partie du rituel diplomatique". Généralement à cette occasion, très vite, on parle de "la pluie et du beau temps".

franceinfo : Est-ce un coup de pression mis sur la Russie de la part de la France ?

Bertrand Badie : C'est un coup de pression. C’est un coup de réciprocité, c'est un coup symbolique. C'est un coup de réciprocité parce qu'il ne faut pas oublier qu’il y a une dizaine de jours, c'était l'ambassadeur de France à Moscou, Monsieur Pierre Lévy, qui avait été convoqué par le ministère russe des Affaires étrangères, pour signifier le mécontentement de la Russie de voir des mercenaires français aux côtés des combattants ukrainiens, mais aussi pour dénoncer ce qui était considéré comme une politique hostile de la France à l'égard de la Russie.

Est-ce une manière de rendre la pareille ?

Voilà ! On ne l'aurait pas fait évidemment, c'eût été un aveu de faiblesse ou en tous les cas, une sorte de retrait face à la pression russe. Au-delà même de cette réciprocité, la convocation de l'ambassadeur fait partie du rituel diplomatique. C'est une façon de dire et d'expliciter, d'afficher à la face du monde un mécontentement. Généralement, il y a tout un protocole derrière cette convocation. On est reçu par un haut dignitaire, très rarement, le ministre. Il est très, très rare, qu'un ministre reçoive un ambassadeur dans ce genre de démarche. C'est soit la secrétaire générale du Quai d'Orsay ou le directeur général politique, voire le directeur de cabinet du ministre qui effectue les démarches. Généralement, après quelques propos d'humeur, on passe à des considérations plus générales qui peuvent même porter sur la pluie et le beau temps.

Peut-on obtenir quelque chose de ce genre de rendez-vous ?

Non, ce n'est pas une négociation. Les choses sont claires. Ce n'est même pas le lieu privilégié d'expression, d'une dissuasion ou d’une menace. C'est une façon de marquer les choses. L'événement, ç'aurait été qu'il n'y ait pas cette convocation. Et la diplomatie est un art qui a été inventé au fil des siècles pour justement servir de tampon entre l'affrontement et le silence. On en a une illustration parfaite.

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