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Un tueur tchétchène se fait passer pour un journaliste du "Monde" et tente d'assassiner un couple d'opposants en Ukraine

Les deux personnes visées étaient Adam et Amina Osmaïev, un couple qui combat les séparatistes prorusses en Ukraine.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une voiture de la police ukrainienne, à Kiev, le 23 mars 2017.  (SPUTNIK)

L'affaire est digne d'un roman d'espionnage. Un homme se faisant passer pour un journaliste du Monde a tenté d'assassiner, samedi 3 juin, à Kiev (Ukraine), Adam Osmaïev, un commandant tchétchène qui combat les séparatistes prorusses dans l'est du pays. D'après les autorités ukrainiennes, citées par le New York Times (en anglais), vendredi 9 juin, le suspect était en réalité un tueur tchétchène. Franceinfo fait le récit de cette tentative de meurtre aux airs de conspiration politique.

Coups de feu dans une voiture

Lorsqu'ils se sont rendus dans le centre-ville de la capitale ukrainienne, Adam Osmaïev, 36 ans, et son épouse, pensaient rencontrer Alex Werner, un journaliste du Monde. Le couple avait déjà rencontré à deux reprises cet homme brun aux tempes grisonnantes.

Lors de cette troisième rencontre, ils embarquent tous les trois dans une voiture. C'est à ce moment que le faux journaliste a sorti son arme et a fait feu sur Adam Osmaïev. La femme du commandant tchétchène, armée elle aussi, a riposté et a blessé l'assaillant.

Un personnage travaillé depuis plus d'un an

Les deux hommes ont été transportés à l'hôpital. Dans les affaires du tueur, la police trouve un passeport ukrainien au nom d'Alexandre Dakar. "Il était élégant, calme et sûr de lui", raconte Amina Osmaïev au New York Times. Pas de quoi suscité la méfiance du couple. La prise de rendez-vous était tout ce qu'il y a de plus classique. "La presse nous demande souvent des interviews, explique-t-elle. Les médias aiment écrire sur nous."

Le couple tchétchène est bien connu en Ukraine : Adam Osmaïev a passé plusieurs années en prison, accusé d'avoir voulu assassiner Vladimir Poutine en 2012. Son extradition vers la Russie avait été bloquée par la Cour européenne des droits de l'homme. Il a finalement été libéré en 2014, après la révolution ukrainienne. Le couple rejoint alors un bataillon tchétchène qui combat les forces prorusses dans l'est du pays. 

Après cette tentative de meurtre, Le Monde a immédiatement démenti tout lien avec le meurtrier. Le journal précise "qu’aucun de ses journalistes n’est en ce moment en Ukraine et que sa rédaction ne compte aucun Alex Werner (ou Verner)". Le tueur avait pourtant travaillé les traits de son personnage : il a vécu pendant plus d'un an à Kiev, rencontrant politiciens et militants antirusses. Il avait aussi l'accent français.

Le Kremlin pointé du doigt

Les autorités ukrainiennes ont finalement identifié le tueur comme étant Artur Denisultanov-Kurmakayev, un gangster connu pour plusieurs faits d'arme. Surnommé "Dingo", d'après le Daily Mail (en anglais), il appartenait, dans les années 1990, à une organisation criminelle tchétchène qui opérait à Saint-Pétersbourg. Son nom a aussi été cité dans une l'enquête sur le meurtre en Autriche d'Oumar Israïlov, un ancien combattant de la guérilla contre l'armée russe, qui avait porté plainte pour torture contre Ramzan Kadyrov, le très autoritaire président de la Tchétchénie, comme l'expliquait Le Monde.

Les enquêteurs espèrent qu'Artur Denisultanov-Kurmakayev, toujours hospitalisé, acceptera de collaborer. Dans cette affaire, le ministère de l'Intérieur ukrainien a directement blâmé les services de renseignement russes, mais le SBU – l'agence de renseignement urkrainienne  a rappelé que les preuves n'étaient pas réunis pour accuser le Kremlin.

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