"Doppelgänger", articles détournés et fake news... Des dizaines de journaux "clonés" dans une opération de désinformation menée par la Russie

Le conflit lancé il y a deux ans se double d'une "guerre informationnelle" notamment conduite par la Russie contre les soutiens de l'Ukraine.
Article rédigé par Eric Biegala
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Illustration fake news. (FRANTZ BOUTON / MAXPPP)

Une guerre sourde mais continue. La "guerre informationnelle" visait dans les premiers temps du conflit soldats et volontaires ukrainiens en priorité, elle s'attaque dorénavant aux soutiens étrangers de l'Ukraine comme les pays européens au premier chef, dont la France.

Au-delà des sites et médias de propagande russe, il y a plus insidieux comme les opérations "Doppelgänger". Il s'agit de faux articles de médias authentiques et reconnus. "Si vous étiez à Paris, et que vous alliez sur la page du Monde, vous étiez détourné sur une page factice, explique Christine Dugoin-Clément, spécialiste de la communication d'influence à l'IAE-Université Paris 1. Et ça, on l'a eu de manière massive. C’est-à-dire qu'on a plus de 50 journaux qui ont été clonés comme ça partout en Europe."

Le journal Le Monde a été ainsi cloné à plusieurs reprises, la dernière fois au printemps. "L'article en question y racontait que la France n'avait aucune espèce de considération pour les Russes qui étaient morts dans le conflit, explique Damien Leloux, journaliste au Monde. C'était diffusé à destination des gens qui considéraient que la guerre en Ukraine, ce n'était pas complètement de la faute des Russes."

L'affaire des étoiles de David taguées

Ces "opérations Doppelgänger" n'ont pas forcément eu beaucoup d'impact. Sauf une dernièrement, les étoiles de David peintes sur les murs à Paris et en banlieue. "C'est une opération assez ambitieuse, plutôt bien exécutée, dans laquelle une action physique des pochoirs qui sont apposés sur les bâtiments et ensuite, une exploitation faite en ligne, rappelle Damien Leloux. Les opérateurs de Doppelgänger ont eu accès dès le début à des photographies prises après que les pochoirs ont été apposés. Donc ça, c'est une opération de désinformation qui a vraiment fonctionné et c'est heureusement finalement assez rare."

Parfois le but visé n'est pas tant d'influencer le public français, mais bien le public russe lui-même. Une récente opération de désinformation russe impliquant la France faisait ainsi mention d'une soixantaine de "mercenaires français" tués en Ukraine dans un bombardement. Moscou est allé jusqu'à convoquer l'ambassadeur de France pour exiger des explications. On n'en a peu entendu parler en France et pour cause : la fake news visait essentiellement le public russe. "L'opération militaire spéciale, donc l'invasion de l'Ukraine, se passe très mal et pas du tout comme prévu. Donc vous allez expliquer quoi ? Que vous la plus grande armée du monde, vous n'êtes pas capable de... ? Donc les moyens que vous avez, c'est d'expliquer que finalement vous ne jouez pas à armes égales parce que vous avez des combattants étrangers", indique Christine Dugoin-Clément.

Une propagande interne, mais qui peut aussi rebondir à l'étranger notamment en Afrique. Les opérations de désinformation et d'influence russes en Afrique visant la France sont légion depuis 2020. Elles ont copieusement accompagné les trois récents coups d'Etat militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.