Envoi de troupes en Ukraine : Emmanuel Macron "a une voix qui porte, qui est respectée", souligne une spécialiste de l'Europe

Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, était invitée sur franceinfo, jeudi.
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Le président français Emmanuel Macron participe à une vidéoconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz à l'Elysée à Paris, le 12 avril 2024. (LUDOVIC MARIN / POOL VIA AFP)

Emmanuel Macron assume l'hypothèse d'envoyer des troupes au sol en Ukraine. Dans un entretien à l'hebdomadaire britannique The Economist, le président français a réitéré cette position qui a crispé nombre de pays européens. "Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s'il y avait une demande ukrainienne - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - on devrait légitimement se poser la question", a dit le président français à l'hebdomadaire britannique.

"L'écarter a priori, c'est ne pas tirer les enseignements des deux dernières années", alors que les pays de l'Otan avaient d'abord exclu l'envoi à l'Ukraine de chars et d'avions avant de finalement changer d'avis, a-t-il ajouté. Pour Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert-Schuman, cette mise au point est logique.

franceinfo : Pourquoi cette mise au point d'Emmanuel Macron sur la possibilité de l'envoi de troupes occidentales en Ukraine était nécessaire ?

Pascale Joannin : Parce que, d'abord, il n'est pas tout seul. Quand il a fait sa première sortie, on avait beaucoup commenté le fait qu'il était un petit peu isolé. Il y a plein de pays d'Europe centrale et orientale, notamment la Pologne et les pays baltes, qui sont totalement sur cette ligne. Et puis, il y met quand même des conditions qui sont : si jamais le front ukrainien a été percé par les Russes et puis si Kiev le demandait. Le 1ᵉʳ février dernier, il y a eu un Conseil européen exceptionnel, on a décidé de soutenir l'Ukraine quoi qu'il en coûte quelque part, pour reprendre cette expression qu'avait utilisée Mario Draghi en 2012. Donc il faut aller jusqu'au bout de la logique. On ne peut pas s'arrêter à mi-chemin.

S'il le redit, dans ce grand hebdomadaire britannique dans une interview en anglais, c'est peut-être qu'il n'a pas perdu l'espoir de convaincre ses homologues européens qui eux, sont beaucoup plus réservés sur cette perspective...

Les réticences viennent d'Allemagne. L'Allemagne a été complètement chamboulée par la guerre en Ukraine, en matière économique, en matière énergétique et en matière de défense stratégique. Donc pour elle, c'est un repli complet de son modèle qui était basé sur une énergie pas chère, un commerce mondialisé et une défense qui était assurée par les Américains. Donc tout ça est battu en brèche et il le fait dans l'autre pays où on sait parler de défense : le Royaume-Uni, qui a quitté l'Union européenne, n'en reste pas moins très actif sur les questions de défense et notamment de soutien à l'Ukraine.

Emmanuel Macron veut parler de défense européenne au sein d'un comité de politique européenne...

Tout à fait et donc sur ce sujet, il est un petit peu celui qu'on attend. D'abord parce que la France est ce qu'elle est : c'est une puissance nucléaire, c'est le membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Il a une voix qui porte, qui est respectée. Il essaie de faire bouger un peu les lignes pour dire : "J'ai mis du temps, peut-être à en venir là où je suis, j'ai tergiversé, on me l'a reproché, etc. Mais maintenant, il ne faut plus hésiter." Poutine n'hésitera pas. Et donc il ne faut pas qu'on ait de naïveté. Si jamais on était faible, il en profiterait.

Est-ce que le président, avec cette interview, n'est pas aussi en train de remettre la guerre en Ukraine au premier plan de la campagne des élections européennes ?

De toute façon, la guerre en Ukraine, elle est là. Elle a commencé le 24 février 2022. Il serait stupide de ne pas en parler, puisque ça a changé certaines choses qui se font à Bruxelles, qui ne se faisaient pas et qui se font parce que la guerre est de retour sur le continent européen. Il y a des choses qui ont été faites, qu'on n'aurait jamais imaginé : de fournir des munitions, d'avoir des fonds européens qui permettent aux États membres de pouvoir être remboursés, etc. Dans cette campagne électorale européenne, on sait qu'il y a des mouvements politiques qui sont plutôt enclins à être un soutien de Vladimir Poutine. Voilà donc ce que dit Emmanuel Macron aux électeurs : "Regardez le bulletin de vote avant de voter, regardez ce que vous proposent les gens pour qui vous voulez voter... Parce qu'il y a des partis politiques qui se présentent et qui ne sont pas du tout pour soutenir l'Ukraine."

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