Guerre en Ukraine : comment la Russie tente de répondre à l'incursion de Kiev dans la région de Koursk

Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un militaire russe organise l'évacuation des habitants de la région de Koursk (Russie), le 14 août 2024, (AP / SIPA)
Vladimir Poutine, qui qualifie de "provocation majeure" cette offensive ukrainienne, ordonne d'expulser au plus vite "l'ennemi" du sol russe. Des renforts d'hommes et de matériels ont été engagés.

Objet : "Préparation d'abris et de tranchées dans la région de Koursk." Outils : "Fournis par l'employeur". Salaire : "Jusqu'à 230 000 roubles [2 368 euros] par mois"Neuf jours après le début de l'incursion ukrainienne sur le sol russe, la riposte de Moscou prend parfois une forme inattendue. Cette petite annonce, que franceinfo a consultée, a été mise en ligne mercredi 14 août sur "Avito", l'équivalent du Bon coin en Russie. Pour créer cette "deuxième ligne de défense", plus en retrait de la frontière avec l'Ukraine, le Kremlin a besoin d'hommes, beaucoup d'hommes, et qu'importe le profil. Expérience professionnelle requise ? "Aucune".

Pour l'heure, l'armée russe paraît toujours incapable de repousser "l'ennemi" hors de son territoire. Kiev a affirmé jeudi contrôler 82 localités et 1 150 km2 dans la région de Koursk. A lire les messages publics des responsables russes, pourtant, les troupes ukrainiennes n'avanceraient plus. Elles commenceraient même à s'essouffler, et leurs pertes humaines seraient énormes. Le ministère de la Défense russe diffuse d'ailleurs régulièrement sur son compte Telegram des vidéos de ses hommes en train de stopper, brûler ou récupérer du matériel appartenant à Kiev, dans les zones frontalières de la région de Koursk.

Des renforts humains en route

Pourtant, signe que la situation est bien plus complexe, la Russie est en train d'acheminer des renforts humains et matériels. Ainsi, le ministre de la Défense, Andreï Belooussov, a annoncé jeudi sur Telegram "l'allocation de forces et de moyens supplémentaires" dans la région de Belgorod. Moscou a également commencé à redéployer des troupes vers la région de Koursk. "La Russie a déplacé certaines de ses unités des régions de Zaporijjia et de Kherson dans le sud de l'Ukraine", assure au site Politico Dmytro Lykhovy, le porte-parole de l'armée ukrainienne, tout en prenant soin de préciser qu'il s'agissait d'un nombre "relativement faible" d'unités.

Dans une vidéo où il s'entretient avec Volodymyr Zelensky, le ministre de la Défense lituanien, Laurynas Kasciunas, la Russie a aussi ordonné le transfert d'une partie de ses troupes de Kaliningrad (l'enclave russe située entre la Pologne, la Lituanie et la mer Baltique) vers la région de Koursk. Enfin, Moscou peut compter sur le soutien de la Biélorussie : son dirigeant Alexandre Loukachenko a donné l'ordre de transférer une partie du matériel militaire à la Russie pour l'envoyer dans la région de Koursk, écrit le média Belnovosti, qui cite une source du ministère de la Défense.

Le panneau d'entrée de la ville de Koursk (Russie), le 13 août 2024. (ROMAN PILIPEY / AFP)

Il n'empêche, "la réponse russe est pour le moment laborieuse, confuse et désordonnée", observe le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de Revue Défense nationale"Moscou ne s'attendait tellement pas à ce type d'offensive qu'il semble désemparé." Redéployer des hommes va par exemple prendre du temps, "plusieurs jours encore". Il y a déjà 1 337 kilomètres entre Kaliningard et Koursk, 880 km entre Kherson et Koursk.

Une double réponse attendue sur son sol, puis en Ukraine

L'armée russe est face à un dilemme. Elle doit reconquérir la souveraineté perdue sur une partie de son territoire. Mais, "pour y parvenir, la voilà contrainte de faire la guerre sur son propre sol", note le général Jérôme Pellistrandi. "Et cela implique de détruire ses propres villages. Poutine, pour le moment, est coincé."

Côté Kiev, on estime que la réponse de la Russie à la première incursion sur son sol depuis 1945 n'a pas encore commencé. Moscou "ressentira le besoin de réagir de manière très dure, de manière énorme, pour montrer au monde qu'elle est toute-puissante et qu'un incident comme Koursk ne restera pas impuni", confiait au Sunday Times une source de la défense ukrainienne sous couvert d'anonymat.

"Et ce ne seront pas seulement quatre missiles. Il y en aura peut-être des centaines, ils utiliseront des armes sophistiquées – des missiles de croisière, des missiles balistiques et des Shahed."

Une source de la défense ukrainienne

au "Sunday Times"

    Selon certains experts, envoyer des centaines de missiles contre les infrastructures ukrainiennes est une option plus probable pour Moscou que de lancer une offensive sur Soumy, la grande ville ukrainienne située à la frontière, en face de Koursk.

    Une autre option est imaginée : laisser Kiev poursuivre sa percée jusqu'à Koursk, afin de permettre à l'armée russe de neutraliser un plus grand nombre de combattants ukrainiens sur son sol. "Politiquement parlant, cette stratégie pourrait avoir des effets négatifs pour la Russie. Mais elle pourrait avoir un certain mérite militaire", évalue dans Newsweek la chercheuse Marina Miron, membre du département d'études sur la guerre du King's College de Londres. 

    Bref, Moscou est confrontée à une situation complexe : comment réagir à la hauteur de ce que Vladimir Poutine qualifie de "provocation majeure", tout en s'assurant que le signal soit également bien compris par les pays occidentaux qui fournissent des armes à Kiev ? Sur les photos publiées par le ministère de la Défense russe, on reconnaît en effet des véhicules de combat d'infanterie allemands de type Marder, ou des blindés Panzer. C'est notamment ce matériel qu'ont utilisé les soldats ukrainiens pour s'infiltrer sur le sol russe, le 6 août.

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