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Guerre en Ukraine : des composants occidentaux retrouvés dans des drones iraniens utilisés par la Russie

Des microprocesseurs et des semi-conducteurs produits dans des pays occidentaux ont été retrouvés dans ces drones kamikazes Shahed-136.
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un immeuble endommagé après une attaque de drones d'origine iranienne à Kiev (Ukraine), le 8 mai 2023. (ANDRE LUIS ALVES / ANADOLU AGENCY / AFP)

Une "arme clé" de l'invasion russe en Ukraine, dont certains éléments proviennent en réalité de pays occidentaux. Des composants produits par 18 entreprises basées aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon ont été retrouvés dans des drones Shahed-136 utilisés par les forces russes en Ukraine. C'est la conclusion d'un nouveau rapport de l'ONG Partenariat international pour les droits humains (IPHR) avec la Commission indépendante de lutte contre la corruption en Ukraine (Nako), Truth Hounds, qui enquête sur les crimes de guerre en Ukraine, et le cabinet d'avocats Global Diligence.

Des microprocesseurs ou encore des semi-conducteurs d'origine occidentale ont été retrouvés dans des drones Shahed-136 abattus à Odessa et Tcherkassy l'an dernier. Ces drones kamikazes, d'origine iranienne, sont largement employés par la Russie dans le conflit. Au mois de mai, plus de 300 appareils de ce type ont été utilisés pour attaquer différentes cibles dans le pays, selon le ministère de la Défense britannique"Les éléments que nous avons identifiés dans notre rapport sont vitaux pour l'effort de guerre russe", souligne Simon Papuashvili, directeur de programmes à l'IPHR, qui enquête sur les crimes de guerre. "Sans ces composants, la Russie et ses alliés ne seront pas en mesure de produire des systèmes d'armes sophistiqués cruciaux dans cette guerre."

Plus de 30 composants occidentaux retrouvés

Selon l'analyse menée par Nako sur les deux drones abattus à Odessa et Tcherkassy, "le type de composants [occidentaux] retrouvés au sein des Shahed-136 varie, mais il est clair qu'ils apportent une contribution réelle et substantielle à leur capacité globale". 

Plusieurs composants de pas moins de 15 entreprises américaines, telles que Texas Instruments ou encore Analog Devices, ont été retrouvés dans les appareils abattus en Ukraine. Il s'agit notamment de microprocesseurs, de semi-conducteurs ou encore de mémoire flash. Quatre composants produits par une entreprise japonaise, dont des circuits intégrés, ont également été retrouvés, tous comme des composants d'une entreprise canadienne, d'une société allemande (également basée aux Etats-Unis) et d'une société suisse. Au total, le rapport cite 34 composants occidentaux retrouvés dans les drones Shahed qui ont été examinés. 

Plusieurs entreprises concernées ont répondu à cette enquête. "Marvell est consterné que l'un de ses produits soit utilisé dans des armes russes. Marvell ne vend pas à l'armée ou au gouvernement russes. (...) Nous ne savons pas comment ces pièces se sont retrouvées en Russie", réagit Marvell Technology. "TI ne vend aucun produit en Russie, en Biélorussie ou en Iran", assure également Texas Instruments.

"L'ignorance n'est pas une défense morale ou légale valide", réplique Simon Papuashvili. "Des enquêteurs de la société civile peuvent analyser les chaînes d'approvisionnement et identifier les intermédiaires suspects qui livrent souvent directement au ministère de la Défense russe ou au FSB". Pour le directeur de programmes de l'IPHR, si ces enquêteurs peuvent le faire, "les grandes entreprises ont certainement les ressources nécessaires pour maintenir une meilleure surveillance (...) afin d'éviter d'être directement ou indirectement complices de graves violations des droits humains". 

Des drones utilisés dans des crimes de guerre apparents

D'après le rapport, les forces russes ont utilisé plus d'un millier de "véhicules aériens sans pilote" pour cibler des infrastructures civiles en Ukraine entre septembre 2022 et mai 2023, notamment des infrastructures critiques en matière d'énergie.

L'étude menée par l'IPHR et ses partenaires revient sur dix cas d'attaques de drones menées en Ukraine, qui ont tué 15 civils et blessé 42 autres personnes. Ces attaques ont également "détruit ou endommagé neuf infrastructures critiques, 13 habitations civiles et quatre autres infrastructures civiles". L'enquête cite notamment une attaque d'un drone Shahed-136 à Ladyjyn en octobre 2022, qui a endommagé une centrale thermique et laissé 18 000 civils sans chauffage pendant deux mois l'hiver dernier. Autre fait détaillé : des attaques de drones sur une école et deux dortoirs à Rjychtchiv, dans la région de Kiev, qui ont fait 9 morts et 29 blessés.

En ciblant ces infrastructures et des civils, ces faits "peuvent constituer des violations graves du droit humanitaire international et des crimes de guerre", pointe le rapport.

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