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Guerre en Ukraine : "La Russie est contrainte de revoir toute la logistique de son commerce extérieur et pour cela la Turquie a un rôle important", explique un spécialiste

David Teurtrie, maître de conférences en science politique à l’Institut catholique d’études supérieures, explique également que les sanctions occidentales ont un impact moindre qu'attendu sur l'économie russe.

Article rédigé par franceinfo
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Le président russe Vladimir Poutine (à gauche) et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan (à droite) lors d'une rencontre à Ankara le 28 septembre 2017. Photo d'illustration. (XINHUA / MAXPPP)

"La Russie est contrainte de revoir toute la logistique de son commerce extérieur et pour cela la Turquie a un rôle important", confirme ce samedi 29 octobre sur franceinfo David Teurtrie, maître de conférences en science politique à l’Institut Catholique d’Etudes Supérieures, chercheur associé à l'Inalco, auteur de "Russie, le retour de la puissance". Depuis le début de l'année, entre janvier et août, plus de 700 entreprises à capitaux russes ont été créées en Turquie, dont une majorité dans le secteur du commerce de gros et de détail. Les Occidentaux s’inquiètent de voir le territoire turc permettre à Moscou d’échapper aux sanctions économiques, auxquelles Ankara refuse de se joindre.

franceinfo: La Russie fait tout pour contourner les sanctions occidentales ?

David Teurtrie : Bien sûr. Puis, la Russie est contrainte de revoir toute la logistique de son commerce extérieur et pour cela la Turquie a un rôle important, un rôle d'intermédiaire. Des produits européens sont exportés vers la Turquie puis directement réexportés vers la Russie. Il y a des produits sous sanctions mais il y a aussi ceux qui ne sont plus exportés directement vers la Russie parce que les compagnies européennes refusent de travailler avec la Russie, sans que ce soit des sanctions en parler. Il faut donc faire la part des choses : une bonne partie du commerce passe par la Turquie, sans forcément que ce soit un contournement des sanctions. Mais ce qui est certain, c'est que ça permet très largement à la Russie de réorganiser le commerce extérieur et à la Turquie de stabiliser son économie puisque la Turquie, depuis plusieurs années, est en difficulté économique.

Est-ce que cette réorganisation du commerce extérieur russe témoigne d'une forme d'efficacité des sanctions occidentales ?

Les sanctions ont touché l'économie russe puisqu’elle est en récession, mais l’impact est moindre que ce qu'on pensait. Depuis plusieurs mois, le FMI [Fonds monétaire international] revoit à chaque fois dans ses prévisions la baisse de l'économie russe à des niveaux moindres que ce qui était prévu. Actuellement, on est à environ moins 3%, ce qui est relativement peu comparé à l'ampleur des sanctions qui sont sans précédent. Et si aussi on se dit qu'en Occident la récession n'est pas loin. Puis, la réorganisation du commerce extérieur, c'est aussi un moyen pour la Russie de trouver de nouveaux partenaires. La situation est complexe. La Russie souffre, c'est certain et ça va continuer. Mais depuis la première crise en Ukraine en 2014, le pouvoir russe travaille pour rendre plus robuste l'économie.

Tout autre sujet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky annonce que près de quatre millions d’habitants sont affectés par des coupures d'électricité dans la région de Kiev. Vladimir Poutine veut montrer aux Ukrainiens qu’il peut leur rendre la vie dure, malgré les difficultés militaires qu’il connaît ?

Oui, c’est une nouvelle approche : viser les infrastructures économiques du pays. En l'occurrence, la plupart des centrales électriques. Il y a sans doute un objectif ultime qui serait d'obtenir la capitulation. C'est ce qui a été déclaré par le nouveau général Sergueï Sourovikin, récemment nommé à la tête des troupes russes en Ukraine. Et puis – entre deux – il y a différents objectifs plus concrets : empêcher, ou en tout cas gêner, le transport des armements depuis l'Ouest vers le front à l'Est, mettre fin aux exportations d'électricité ukrainienne vers l'Union européenne, puis rendre le coût de la guerre de plus en plus élevé pour l'Ukraine et pour les Occidentaux.

La Russie annonce avoir recruté 300 000 réservistes, dont 41 000 déjà déployés sur le terrain. Que sait-on aujourd’hui du mouvement de colère qui était né de cet appel à la mobilisation ?

Il y avait effectivement un mouvement de sentiment de défiance dans la société russe. Il s'est exprimé par l'émigration pour ceux qui ont pu partir. Plusieurs centaines de milliers de Russes ont quitté le pays. Mais depuis la situation à l'intérieur du pays s'est largement stabilisée. Hier soir, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a annoncé officiellement la fin de la période de mobilisation. D'après lui, le compte y est : 300 000 soldats pour les uns déjà déployés effectivement, et d'autres à l'entraînement sur le territoire russe.

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