Habitants évacués, soldats prisonniers, localités gagnées... Où en est l'incursion de l'armée ukrainienne en Russie ?

Les troupes ukrainiennes sont entrées dans la région de Koursk depuis maintenant une semaine. Elles affirment s'être emparées de plusieurs dizaines de localités, tandis que les autorités russes ont annoncé ouvrir des centres d'hébergement temporaire pour accueillir les personnes fuyant les combats.
Article rédigé par franceinfo
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Un char ukrainien sur une route dans la région de Soumy, près de la frontière avec la Russie, le 13 août 2024. (ROMAN PILIPEY / AFP)

Un coup de force qui dure. Voilà huit jours que l'armée ukrainienne a franchi la frontière pour entrer en territoire russe et qu'elle y tient des positions. Kiev assure contrôler 1 000 km2 de territoire dans la zone frontalière de Koursk. Dans la région voisine de Belgorod, le gouverneur a fini par décréter l'état d'urgence, mercredi 14 août. "La situation est extrêmement difficile et tendue en raison des bombardements des forces armées ukrainiennes", a déclaré Viatcheslav Gladkov, sur Telegram.

Depuis le début de son opération surprise, le 6 août, Kiev s'est emparée de plusieurs dizaines de villages, poussant des dizaines de milliers de civils russes à fuir. L'offensive ukrainienne en Russie est "légitime" et prendra fin si Moscou accepte une "paix juste" et met fin à son invasion, a promis mardi le ministère des Affaires étrangères ukrainien. Franceinfo fait le point sur la plus vaste incursion d'une armée étrangère sur le sol russe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Plus de 120 000 civils russes évacués

Selon les autorités russes de la région de Koursk, cible initiale de l'offensive, les combats et les bombardements ukrainiens avaient fait mardi au moins 12 morts et 121 blessés parmi les civils, dont dix enfants. Son gouverneur, Alekseï Smirnov, évalue à au moins 121 000 le nombre de personnes "parties ou évacuées". Un record dans le pays depuis la deuxième guerre de Tchétchénie, voilà plus de vingt ans.

Dans la région voisine de Belgorod, à la frontière avec Kharkiv, des évacuations de plus petite ampleur ont été signalées. Dans une vidéo publiée mardi, le gouverneur local décomptait qu'"environ 11 000 personnes" avaient déjà été évacuées.

En réaction, une aide d'urgence a été acheminée jusqu'à la zone frontalière, et des trains supplémentaires vers Moscou ont été mis en place pour les personnes fuyant les combats. Le ministère des Situations d'urgence du pays a annoncé à l'agence de presse officielle russe Tass que plus de 370 centres d'hébergement temporaire dans 54 régions du pays étaient prêts à accueillir ces habitants. "Il faut augmenter le nombre de centres d'hébergement temporaire dans les régions du Centre, de la Volga, du Nord-Ouest et de l'Oural. Chaque centre doit offrir des conditions de vie décentes, de l'eau potable, des repas et des produits de première nécessité", a souligné Alexandre Kourenkov, le ministre des Situations d'urgence dans un communiqué.

Côté ukrainien, des évacuations ont également été ordonnées. Dans la région de Soumy, qui fait face à celle de Koursk, au moins 20 000 civils ont déjà fui ou sont sur le point de partir. 

Kiev affirme contrôler 1 000 km2 de territoire russe

Une semaine après le début de son offensive, Kiev revendique la conquête de 1 000 km2 de territoire dans la région de Koursk, qui sert de base arrière aux forces de Moscou pour mener la guerre dans l'est de l'Ukraine. De son côté, l'AFP évoque une avancée des troupes ukrainiennes dans la région de 800 km2, se basant sur des données russes compilées par l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), un groupe de réflexion américain.

Dans sa prise de parole quotidienne, mardi soir, Volodymyr Zelensky avançait le chiffre de 74 localités tenues par ses troupes et faisait état de combats "difficiles et intenses" dans la zone.

Côté russe, le gouverneur de la région de Koursk a, pour sa part, reconnu lundi que les Ukrainiens s'étaient emparés d'une zone de 40 kilomètres de largeur et de 12 kilomètres de profondeur, signalant la chute de 28 localités. A titre de comparaison, la Russie a progressé de 1 360 km2 en territoire ukrainien depuis le 1er janvier 2024, d'après les calculs de l'AFP avec les données de l'ISW.

Des drones et des missiles interceptés par Moscou

Le ministère de la Défense russe rapporte sur Telegram que ses forces ont encore intercepté 117 drones et quatre missiles lancés par l'Ukraine dans la nuit de mardi à mercredi, au-dessus des régions de Koursk et de Voronej, sans faire de victimes. Mardi, le ministère affirmait aussi sur sa chaîne Telegram avoir "déjoué des tentatives des groupes mobiles ennemis à bord de véhicules blindés de pénétrer profondément dans le territoire russe".

Pour autant, Kiev ne cherche pas à "annexer" de territoires russes, soutient le porte-parole du ministère des Affaires étrangères ukrainien. "Contrairement à la Russie, l'Ukraine n’a pas besoin de la propriété d’autrui. L'Ukraine ne souhaite pas annexer de territoire de la région de Koursk, mais elle veut protéger la vie de son peuple, a déclaré Heorhii Tykhyi. Plus vite la Russie acceptera de rétablir une paix juste (…), plus vite cesseront les incursions des forces de défense ukrainiennes en territoire russe".

Plusieurs centaines de militaires russes se sont rendus, selon Kiev 

D'après Moscou, au moins 1 000 soldats ukrainiens ont pénétré dans la région de Koursk, accompagnés d'au moins 11 chars et de plus de 20 autres blindés. De son côté, un responsable ukrainien a relevé auprès de l'AFP que plusieurs "milliers" de militaires étaient impliqués.

Sur Telegram, des vidéos circulent montrant des soldats russes mis hors d'état de nuire. Dans son allocation quotidienne mardi soir, Volodymyr Zelensky l'a confirmé : "Des centaines de militaires russes se sont déjà rendus et tous recevront un traitement humain. Ils n'ont pas subi un tel traitement même dans leur propre armée russe."

Mais la contre-attaque russe est en cours. Dans une interview à l'agence britannique Reuters mercredi, le porte-parole de l'armée ukrainienne a fait remarquer que Moscou avait commencé à redéployer des troupes vers Koursk. "La Russie a déplacé certaines de ses unités des régions de Zaporijjia et de Kherson dans le sud de l'Ukraine", a rapporté Dmytro Lykhovy, tout en prenant soin de préciser qu'il s'agissait d'un nombre "relativement faible" d'unités. Le ministre de la Défense lituanien, qui a rencontré Volodymyr Zelensky à Kiev mardi, a également fait savoir que la Russie était en train de transférer des troupes de Kaliningrad – l'enclave russe située entre la Pologne, la Lituanie et la mer Baltique – vers la région de Koursk, écrit la radio Svoboda.

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