La demande d'adhésion de la Finlande à l'Otan "donne un argument en or" à Vladimir Poutine, regrette un spécialiste
"C'est un facteur de complications beaucoup plus que de solutions, parce que la Finlande est déjà protégée en tant que membre de l'Union européenne", estime Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po, spécialiste des relations internationales.
La demande d'adhésion de la Finlande à l'Otan "donne un argument en or" à la "propagande de M. Poutine", réagit samedi 14 mai sur franceinfo Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et spécialiste des relations internationales. "Il y a probablement une manière de faute" dans la démarche de la Finlande et de l'Alliance atlantique, puisqu'elle nourrit l'argumentaire de Moscou, qui "essaie d'expliquer une agression insensée, en disant que la Russie se sent menacée, encerclée par l'Otan", d'après le spécialiste.
franceinfo : Que pensez-vous de la demande d'adhésion de la Finlande à l'Otan ?
Bertrand Badie : C'est un facteur de complications beaucoup plus que de solutions, parce que la Finlande est déjà protégée en tant que membre de l'Union européenne. On voit mal la Russie s'attaquer directement à un membre de l'Union européenne. La Suède et la Finlande ont également quantité d'accords, de partenariats, avec l'Otan.
"Sur le plan de la sécurité, on est d'avantage dans le symbole et l'affirmation que dans le travail de fond."
Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Poà franceinfo
L'adhésion de la Finlande à l'Otan, et éventuellement celle de la Suède, va nourrir la propagande de M. Poutine. Il essaie d'expliquer une agression insensée, en disant que la Russie se sent menacée, encerclée par l'Otan.
Donc on lui donne raison ?
On lui donne un argument en or ! Je pense que M. Poutine doit fêter cet argument qui lui est offert. Sur le plan objectif, on risque aussi de compliquer singulièrement le dossier, dont on sait déjà qu'il est horriblement tourmenté. Pour deux raisons. La première, c'est que le fond de toute cette affaire réside dans l'incapacité depuis 1989 de définir un régime de sécurité en Europe, qui inclut la Russie. Or, une Europe otanisée n'est pas un début de réponse à ce régime de sécurité.
"Si la Suède et la Finlande entrent dans l'Otan, on va assister à une quasi superposition entre l'Union européenne et l'Otan."
Bertrand Badieà franceinfo
Et confondre les deux cartes constitue un élément d'affaiblissement de l'image, de l'identité, de l'autonomie de l'Union européenne par rapport à l'Otan et aux États-Unis.
Au-delà des coupures de courant, Moscou menace la Finlande d'une probable réponse "militaro-technique". Comme en Ukraine ?
Je ne pense que militaro-technique se rapporte au cas ukrainien. Justement, c'est une manière de faire la différence et expliquer que s'il y a une riposte, elle ne sera pas offensive comme dans le cas de l'Ukraine mais toute une série de tracas, de provocations, peut-être de violations de l'espace aérien, d'incidents frontaliers. Et sur le plan technique, on pense à ce que l'on voit déjà, c'est-à-dire le refus de livrer l'électricité dont la Finlande a besoin. Il est certain que l'on va assister à un nouveau foyer de tension. A-t-on vraiment besoin de ça ? Je pense que Poutine en a besoin, je ne pense pas que les Européens en aient besoin. Et c'est là probablement qu'il y a une manière de faute.
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