Penser l'Ukraine d'après la guerre : revoir la médecine sur le modèle européen
La guerre qui ravage l’Ukraine aurait fait à ce jour entre 15 000 et 30 000 victimes. De façon plus insidieuse, certaines pathologies, notamment les maladies cardiovasculaires, ont explosé, alors que le système de santé est en ruines. "Le stress aigu et prolongé est certainement la première raison de l’augmentation des maladies cardiovasculaires en Ukraine" , analyse le Dr Oleg Irkine.
Cardiologue à l’Institut de cardiologie de Strajesko à Kiev, cet homme de 60 ans à l’allure tranquille détaille avec précision " les effets maléfiques et énormes" de la guerre sur la santé de ses patients. Il n’y a pas de chiffres officiels à l’échelle de l’Ukraine, mais dans son service, le cardiologue a constaté que " le nombre d’infarctus et de patients gravement malades a triplé depuis le début de la guerre".
Il faut "penser à travailler autrement"
Le même constat est fait chez les réfugiés ukrainiens qui ont fui leur ville, qui ont perdu leur maison, qui ne disposent plus de leurs médicaments habituels, dont l’alimentation et le rythme du sommeil ont changé. La Pologne a publié une étude qui démontre une forte augmentation des pathologies cardiovasculaires et de nouvelles pathologies chez ceux qui n’étaient pas malades avant l’invasion russe.
"Le système de santé n’est pas détruit, il continue de fonctionner quand même, précise le Dr Oleg Irkine. Mais plus on sera proche de la victoire, plus il faudra penser à travailler autrement." "L’essentiel est de penser dès maintenant à l’avenir" , souligne le cardiologue, qui est membre d’un groupe d’experts travaillant sur la médecine de demain.
Un système de santé difficile d'accès
La candidature de l’Ukraine à l’Union européenne, déposée le 28 février 2022, à la suite de l’invasion russe, permet de réfléchir et d’améliorer le fonctionnement du système de santé en Ukraine, explique le Dr Irkine, pour qui " les pays européens doivent exercer leur influence sur le développement de la médecine en Ukraine". Fort de son expérience au quotidien, le cardiologue donne des pistes concrètes pour l’avenir.
"Nous avons besoin de beaucoup de petits appareils indispensables pour faire des électrocardiogrammes, mais il n’y a plus assez d’argent pour ça. Une répartition plus raisonnable des finances est absolument nécessaire."
"Il faut arrêter d’acheter en grande quantité des machines ultrasophistiquées très coûteuses, c’est inutile."
Dr Oleg Irkineà franceinfo
L’accès à la santé pour tous, et pas seulement pour les riches, est une autre priorité, insiste le médecin, qui dénonce le coût exorbitant des traitements dans les pathologies lourdes pour les familles. " Vous n’imaginez pas combien cela nous coûte de se soigner , confirme une patiente. Ma famille a été obligée de vendre notre appartement pour payer les soins."
Si une prise en charge financière s’annonce nécessaire pour les personnes malades, les professions médicales demandent aussi une revalorisation de leurs salaires. Un médecin ukrainien gagne en moyenne 500 euros par mois et une infirmière est payée 200 à 250 euros par mois, ce qui n’a rien de comparable, insiste le Dr Irkine, avec ce que gagnent les professionnels de la santé dans les pays européens voisins de l’Ukraine.
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