Portrait  "Tu fais tout ce que tu peux mais tu ne peux pas les sauver" : rencontre avec Natalia, oncologue ukrainienne devenue médecin de guerre

L'Ukrainienne Natalia était oncologue-réanimatrice avant le conflit avec la Russie. Aujourd'hui, elle est devenue médecin de guerre. Franceinfo l'a rencontrée alors qu'elle a dû faire une pause dans son travail, trop affectée par la violence des combats.
Article rédigé par Claude Guibal
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Natalia était oncologue et réanimatrice avant la guerre entre l'Ukraine et la Russie, depuis le conflit elle est devenue médecin de guerre. (CLAUDE GUIBAL)

Les combats font toujours rage en Ukraine. Les forces russes continuent de bombarder la ville de Kherson sur le front sud. À l'est, les attaques menées pour prendre la ville d'Avdiivka, tenue par les Ukrainiens, font un millier de morts chaque jour depuis un mois. C'est tout près de cette ville que Natalia est stationnée avec son unité. Médecin, elle a laissé ses enfants à sa famille pour s'engager dès le début de la guerre, il y a presque deux ans. Mais elle est aujourd'hui trop affectée par le conflit pour poursuivre son travail de soignante. Elle supplie de ne pas abandonner l'Ukraine.

C’est son regard qui dit tout, ses yeux qui d’un coup se figent vers un horizon que seuls ceux qui sont au front connaissent. Quand la guerre a commencé, Natalia travaillait en oncologie et réanimation. Dans l’armée, son nom de code, c’est Marguerite. Sur le front est, elle est devenue médecin de combat. "Ma dernière affectation, c’était à Klishchiivka, raconte-t-elle. C’est une destination dure, tellement dure. Je ne trouve pas les mots… Là-bas, c’est très chaud, les Russes attaquent sans cesse. Et malheureusement, nous n’avons pas assez d’armes."

"Je ne veux pas que mes enfants aillent à la guerre"

Franceinfo la rencontre près de Kiev. À l’orée d’une forêt enneigée, elle se forme désormais au pilotage de drone. Ses cheveux teints en noir sont coupés courts, elle a mis du rouge à lèvres et du vernis sur ses ongles, au bout de ces doigts qui se tordent sans repos. "J’ai compris que je devais faire une pause. C’est vraiment dur de voir tous ces blessés. Tu fais tout ce que tu peux mais tu ne peux pas les sauver car les blessures sont telles qu’on ne peut pas y survivre", explique-t-elle après un long soupir.

À ses pieds, le sol s’est transformé en miroir de boue gelée. Sur sa joue, une larme a dessiné une trace de mascara. Le froid piquant de l’hiver. Ou autre chose, peut-être. "Je ne veux pas que mes enfants aillent à la guerre. C’est à nous d’y mettre fin. Je veux que mes enfants aient un meilleur avenir, je veux qu'ils aient la liberté, la force, le droit de choisir. Maintenant, ça repose sur nous tous." Ces enfants, âgés de 14 et 20 ans, Natalia les a laissés à ses parents.

"Soutenez-nous s'il vous plaît"

"Tout le monde est fatigué de la guerre. Mais il faut comprendre que la Russie ne va pas se contenter de l’Ukraine. On protège réellement plusieurs pays. Les Ukrainiens seraient reconnaissants que le monde nous soutienne, qu’on n’oublie pas qu’ici, c’est la guerre et que cette guerre… C'est trop dur…, confie Natalia, très émue. Si on n’est pas soutenus, je crains que ça se termine mal pour l’Ukraine. Soutenez-nous, s’il vous plait. Sinon, ce serait trop dur pour nous."

PORTRAIT. "Tu fais tout ce que tu peux mais tu ne peux pas les sauver" : Claude Guibal a rencontré Natalia, oncologue ukrainienne devenue médecin de guerre

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.