Pourquoi la Russie a de plus en plus de mal à nier sa présence en Ukraine
Même si les preuves s'accumulent depuis plusieurs jours, Moscou nie toujours en bloc fournir une aide militaire directe aux séparatistes. Mais cette stratégie est de moins en moins efficace.
Le président russe Vladimir Poutine sera-t-il bientôt forcé d'admettre l'implication de son pays dans la guerre en Ukraine ? Entre la capture de soldats envoyés par Moscou de l'autre côté de la frontière et les accusations d'ONG, les preuves s'accumulent depuis jeudi 28 août, alors que le conflit, qui a fait près de 2600 morts en cinq mois, se poursuit. Et ces preuves sont de plus en plus difficilement contestables.
Des blindés ont été photographiés dans l'est de l'Ukraine
Des images satellites, dévoilées jeudi 28 août par l'Otan, montrent un convoi de véhicules blindés se déplaçant dans la région de Krasnodon, dans l'est de l'Ukraine. Selon l'organisation internationale, les photos ont été prises à la fin août, rapporte Newsweek (en anglais). "Cela confirme qu'il y a un flot continu d'armes et de combattants entre la Russie et l'est de l'Ukraine et c'est la preuve de l'implication continue de la Russie", a affirmé le secrétaire général de l'Otan AndersFoghRasmussen, selon le Washington Post (en anglais).
New satellite images showing #Russia’s forces engaged in military ops inside #Ukraine http://t.co/f1ty0S3Qwy @NATO pic.twitter.com/AFKplcfopt
— Oana Lungescu (@NATOpress) 28 Août 2014
Des voix commencent à s'élever en Russie
Même en Russie, certains commencent à pointer du doigt le Kremlin. La responsable de l'ONG Mères de soldat, Valentina Melnikova, a affirmé, jeudi 28 août, que 15 000 soldats russes étaient présents sur le territoire ukrainien pour aider les séparatistes rapporte Newsweek. "Il est difficile de dire combien de ces officiers ont été envoyés sans documents, en tant que mercenaires ou en prétextant qu'ils étaient en permission", a expliqué la porte-parole de cette organisation russe.
Difficile aussi de dire combien de ces militaires sont morts sur le territoire ukrainien, déplore cette ONG. Des parachutistes russes auraient pourtant été enterrés dans le plus grand secret dans le nord du pays, selon le Monde. Le lieu et les conditions de leur mort ne sont même pas révélés à leur famille. Le quotidien rapporte que des journalistes de la télévision russe Dojd ont été agressés par des "hommes en survêtement" alors qu'ils s'approchaient d'un des cimetières de la ville.
Des parachutistes russes ont été capturés
A en croire les séparatistes, le Kremlin ne serait pourtant pas directement impliqué dans le conflit. Les soldats russes présents sur place ne seraient que des volontaires, qui auraient choisi de prêter main forte aux insurgés de Donetsk pendant leur permission. "Parmi ceux qui combattent dans nos rangs, il y a des soldats russes qui préfèrent passer leurs vacances avec nous, avec des frères qui luttent pour leur liberté, plutôt que sur une plage", a affirmé le Premier ministre de la République auto-proclamée de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko, dans une interview accordée à une chaîne étatique russe citée par Reuters (en anglais). Selon le chef des séparatistes, entre 3 000 et 4 000 volontaires russes seraient actuellement sur le territoire ukrainien.
A Moscou, les dénégations sont encore plus fermes. Et semblent encore moins crédibles. Le gouvernement ukrainien a révélé, lundi 25 août, avoir capturé dix parachutistes russes, dans l'est du pays. Au cours de témoignages vidéos, ils ont reconnu avoir été envoyés par leur état-major de l'autre côté de la frontière, selon le Washington Post. Réponse du ministère de la Défense russe : "Les militaires participaient à une patrouille à la frontière entre la Russie et l'Ukraine, qu'ils ont traversée par erreur", aurait expliqué une source anonyme, citée par le Guardian (en anglais). Une "erreur" qui a forcé la Russie à reconnaître, pour la première fois depuis le début du conflit, la présence de ses soldats en Ukraine.
Les Occidentaux parlent, pour la première fois, d''invasion directe"
Ces renforts auraient permis aux rebelles de reprendre deux villes frontalières cette semaine, dans la région de Donetsk. C'est du moins l'avis de l'ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt, cité par le Washington Post (en anglais). "Les tanks, les véhicules blindés, l'artillerie et les multiples lanceurs de missiles fournis par les Russes [aux rebelles] n'ont pas été suffisants pour vaincre l'armée ukrainienne, a-t-il détaillé sur Twitter (en anglais). Donc un nombre croissant de troupes russes intervient maintenant directement dans les combats sur le territoire ukrainien."
1/3 Russian supplied tanks, armored vehicles, artillery and multiple rocket launchers have been insufficient to defeat Ukraine' armed forces
— Geoffrey Pyatt (@GeoffPyatt) 28 Août 2014
A tel point que le président ukrainien, Petro Porochenko, a annulé son voyage en Turquie et rétabli la conscription dans l'armée, jeudi 28 août, dénonçant une "détérioration rapide de la situation dans la région de Donetsk". Les ambassadeurs d'Ukraine auprès de l'OSCE ont abondé en son sens et réclamé une aide militaire "d'envergure", évoquant une "invasion directe" de la Russie, pour la première fois depuis le début du conflit. Une accusation vite reprise par le reste des Occidentaux. "Le monde entier peut voir que les forces russes sont en Ukraine", a martelé le président américain Barack Obama jeudi après-midi, selon les Echos. Les Etats-Unis, qui se refusent à une intervention armée en Ukraine, ont menacé la Russie de nouvelles sanctions. L'Union européenne a fait de même.
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