Référendum en Crimée : la Russie se félicite, les Occidentaux ripostent
Le Parlement de Crimée a voté lundi matin le rattachement de la péninsule à la Russie et la nationalisation des biens de l'Etat ukrainien dans la région sécessionniste.
"Résultats définitifs du référendum : 96,6% pour !" Le rattachement de la péninsule ukrainienne de Crimée à la Russie a été très largement approuvé par référendum, selon les résultats définitifs communiqués, lundi 17 mars, par le Premier ministre pro-russe, Sergueï Aksionov, sur son compte Twitter. Aussitôt, le Parlement de Crimée a officialisé sa candidature à l'intégration à la Russie.
Or, à Kiev ainsi qu'en Occident, le référendum est toujours considéré comme illégitime. Résultat : si la Russie se félicite de cette victoire stratégique après le camouflet de Maïdan et la destitution du président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch, les Occidentaux envisagent d'ores et déjà de riposter. Le point sur cette nouvelle phase de la crise ukrainienne.
En Crimée, le rapprochement avec Moscou déjà à l'œuvre
Après le vote des citoyens, celui des parlementaires. A Simferopol, ils se sont prononcés à l'unanimité des présents (85 voix sur 85) pour le rattachement de la péninsule à la fédération de Russie. "La république de Crimée demande aux Nations unies et à tous les pays du monde de la reconnaître comme un Etat indépendant, proclame le texte adopté par le parlement de la région. Et elle demande à la Fédération de Russie de l'accepter comme l'un de ses membres."
Le dirigeant séparatiste Sergueï Aksionov a par ailleurs précisé que la péninsule passerait à l'heure de Moscou le 30 mars. Le rouble est aussi devenu la monnaie officielle de la Crimée, même si la hryvnia ukrainienne pourra être utilisée parallèlement à la monnaie russe jusqu'au 1er janvier 2016.
S'il avait auparavant estimé que la transition de toutes les institutions de Crimée vers la Russie prendrait au moins un an, tout s'accélère lundi avec l'annonce de la nationalisation de tous les biens détenus en Crimée par l'Etat ukrainien. Les entreprises pétrolières et gazières sont les premières visées.
Les unités militaires ukrainiennes ont été dissoutes : leur personnel a le choix entre quitter la région ou bien continuer à y résider et s'enrôler dans les forces armées de Crimée.
L'Occident annonce de nouvelles sanctions
En Europe. Dès lundi, les ministres des Affaires étrangères européens ont décidé de sanctionner 21 responsables ukrainiens et russes. Ces sanctions de l'UE comprennent des interdictions de voyage et des gels d'avoirs, ainsi que d'autres mesures précisées dans les jours à venir.
Selon une source européenne, elles devraient viser des responsables russes et ukrainiens pro-russes. "Il y aura des parlementaires, des membres des instances de sécurité, un haut responsable du ministère de la Défense..." avait prévenu une source européenne. Celle-ci avait exclu que la liste comprenne des membres du gouvernement russe, car il "serait difficile" de sanctionner des personnes avec lesquelles on essaie de négocier une solution politique.
Dans le cas où la crise s'aggraverait, l'UE envisage de débloquer un troisième train de sanctions, jugées plus dommageables pour Moscou car portant sur les relations économiques et commerciales. Un scénario inquiétant, mais probable : "La Russie a jusqu'à présent bloqué toute option de sortie de crise, toute avancée vers une désescalade et veut apparemment établir une situation que nous ne pouvons accepter", a reconnu dimanche le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.
Aux Etats-Unis. Barack Obama a décrété des sanctions contre onze hauts responsables russes et ukrainiens, dont le président déchu Viktor Ianoukovitch. Sept hauts responsables russes figurent parmi les personnes visées par des gels d'avoirs aux Etats-Unis, selon l'exécutif américain, dont le vice-Premier ministre russe, la présidente du Conseil de la Fédération, ainsi que deux proches conseillers du président Vladimir Poutine et deux élus de la Douma.
Côté ukrainien, Washington a sanctionné à deux dirigeants séparatistes de Crimée : Viktor Ianoukovitch et l'un de ses conseillers.
Les pays de l'Est, inquiets pour leur économie
Le Premier ministre bulgare, Plamen Orecharski, s'est montré réticent dimanche à l'annonce de nouvelles sanctions contre Moscou. Plusieurs pays d'Europe de l'Est, dont le sien, "seraient les plus grands perdants" de cette politique : la Bulgarie dépend en effet très largement de livraisons de gaz russe transitant par l'Ukraine pour son approvisionnement énergétique.
Les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 auront l'occasion d'en discuter lors du sommet européen qui se tiendra jeudi et vendredi à Bruxelles.
En Russie, les médias (et les marchés) optimistes
Moscou a envoyé à la Crimée une aide de 15 milliards de roubles, soit 295 millions d'euros, a annoncé lundi Sergueï Aksionov, dans un tweet rédigé quelques heures après la demande de rattachement adressée par la Crimée à la Russie.
Le résultat du référendum a boosté les marchés dès l'ouverture de la Bourse de Moscou, lundi matin. L'indice Micex (en roubles) a pris 1,05% au début des échanges et l'indice RTS (en dollars) 1,15%. Tous deux avaient chuté à des niveaux inédits depuis la crise de 2009 en raison des risques de sanctions économiques contre Moscou lors des jours précédant le vote.
Les médias saluent quant à eux en majorité le choix des habitants de Crimée de se séparer de l'Ukraine. "N'en déplaise à certains, nous sommes heureux", écrit le quotidien pro-gouvernemental Izvestia. Le quotidien économique Vedomosti note que "le référendum sur le statut de la Crimée s'est déroulé avec beaucoup d'enthousiasme. Ni le rythme effréné de son organisation, ni la propagande le jour du vote, ni le boycott décrété par les Tatars de Crimée, ni le refus des autorités ukrainiennes de reconnaître le résultat du référendum n'ont été un obstacle."
Rare voix discordante, le journal d'opposition Novaïa Gazeta a pour sa part publié en première page une photo de la manifestation de samedi à Moscou, où quelque 50 000 personnes ont défilé contre l'"annexion" de la péninsule et contre la politique de Vladimir Poutine.
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