Cet article date de plus d'un an.

Reportage Guerre en Ukraine : à Kherson, les musées pillés par les troupes russes

En parallèle des bombardements sur les civils et des actes de torture, les forces russes font main basse sur le patrimoine culturel ukrainien. À Kherson, elles sont parties avec la quasi-totalité des collections retraçant de l'histoire de la ville.

Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le musée régional d'art populaire de Kherson (Ukraine), fin novembre 2022. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Les portes du musée régional d’art populaire de Kherson restent désespérément closes ce jour-là, même pour la nouvelle directrice. Nommée en urgence lors de la libération de cette ville du sud de l'Ukraine le 11 novembre, Olga Goncharova ne peut accéder au bâtiment, car le déminage est toujours en cours. C’est grâce aux deux gardiens qu’elle découvre l’ampleur de la catastrophe : plus d’une centaine de milliers d’œuvres et d’objets de l’histoire de la région ont été razziés par l’armée russe.

>>> Guerre en Ukraine : l'Onu lance une plateforme de suivi des dommages causés au patrimoine culturel ukrainien

"Ils ont aussi volé les registres ? Mon dieu, mais alors on n'aura même pas ces documents pour prouver ce qui a disparu ?!", se désespère Olga Goncharova. À vrai dire, il ne reste presque rien, de ces tableaux, céramiques, pièces de monnaie rassemblées là depuis 1978. Le gardien du musée explique que ce pillage a eu lieu quelques jours avant le repli des forces russes. 70 personnes ont débarqué depuis la Crimée occupée, affirme-t-il, et ont tout mis dans deux gros camions. "Ils ont fait un travail de fourmi", dit-il. Les uns emballaient, les autres se dépêchaient de charger le camion. Ils n’ont laissé que les œuvres les plus lourdes. 

Des personnels ont collaboré avec les Russes

Les pilleurs ont été aidés par certains membres du personnel. Un membre de l’équipe historique leur a ouvert toutes les portes du musée. L'ancienne directrice a elle aussi collaboré avec l’occupant avant de prendre la fuite. "Mon dieu, mon dieu", lâche Olga Goncharova, sa successeure. "C’est vraiment une tragédie personnelle. J’ai travaillé dans ce musée toute ma vie. Toutes ces œuvres volées, je les connaissais sur le bout des doigts."

Olga Goncharova, la nouvelle directrice du musée régional d'art populaire de Kherson. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)


En parallèle des bombardements, l'armée de Vladimir Poutine tente d’effacer l’histoire et l’identité ukrainienne. Comment peut-on agir ainsi au XXIe siècle, alors que l’on s’envole vers Mars avec Spoutnik, se demande Olga Goncharova. Puis la directrice se ressaisit : "Ils ont certes volé des richesses matérielles mais la plupart de nos équipes n’ont pas accepté de collaborer et ça, c’est notre potentiel spirituel qui perdure. C’est avec ça que nous allons faire renaître notre musée".

La nouvelle directrice veut rapidement rouvrir le musée régional d’art populaire, pour que chacun puisse visiter les salles d’exposition pillées, et constater les dégâts. 14 lieux de culture ont été victimes de vols de grande ampleur dans la ville de Kherson depuis le début de la guerre en Ukraine.

Le musée d'art populaire de Kherson pillé par l'armée russe : le reportage d'Agathe Mahuet

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.