: Reportage "La mort nous poursuit" : en Ukraine, les habitants de Kharkiv vivent avec la peur des frappes russes
En Ukraine, Kharkiv est toujours particulièrement visée par les bombardements russes. Au point que son maire, Ihor Terekhov, estime que la ville pourrait devenir un "second Alep", en référence aux destructions subies par la ville syrienne lors de la guerre contre l'État islamique. Depuis un mois, Moscou a décidé de cibler systématiquement les infrastructures civiles et énergétiques ukrainiennes, pour étouffer le pays à petit feu. Dans les zones les plus détruites de la deuxième ville d’Ukraine, rester y vivre en ce printemps devient un défi quotidien. Franceinfo s'est rendu à Saltivka, quartier martyre de Kharkiv.
Le décalage est saisissant entre le petit barbecue que prépare Oleh au bord de l’étang et, dans son dos, l’immeuble de huit étages complètement soufflé, frappé par un missile russe il y a trois mois. La façade s’est effondrée : on aperçoit au premier étage les restes d’une cuisine, et au deuxième les livres encore rangés dans la bibliothèque. Oleh habite juste en face. Il a 21 ans et l’air infiniment triste : "J'ai vécu dans ce quartier toute ma vie. Et maintenant que tout a disparu, ça me donne le sentiment d’un grand vide. Certains de mes amis sont au front, d’autres sont partis vivre ailleurs et d’autres encore sont morts."
"Tout est vide"
Ce soir, Oleh réunit ceux qui restent pour une petite fête, sans trop y croire : "Toutes les nuits, ici, on te rappelle que l’agresseur est à 30 kilomètres de chez toi, et qu’il veut te tuer. Alors au quotidien, la mort te poursuit. Tu essaies de t’en défaire ! Mais tu n’y arrives pas."
Saltivka est le quartier résidentiel de Kharkiv le plus proche de la Russie, le plus ciblé aussi. Il y avait 400 000 habitants avant la guerre mais aujourd'hui on les cherche. Sergei aussi, avec sa fille de 6 ans, seule dans le bac à sable : "Chaque jour il y a des bombardements. Il n'y a pas d’enfants ici… Vous voyez, tout est vide ! C’est difficile quand tu te réveilles le matin et que tu vois tous ces immeubles détruits autour de toi. C’est vraiment pesant."
Ceux qui restent n’ont souvent pas le choix. Alina et Volodymyr ont acheté au 16e et dernier étage, dans un autre immeuble. Leur petit garçon Vitaly, tout blond, n’a pas encore 3 ans. "Il n’y a pas d'électricité donc pas d’ascenseur. Le petit grimpe l’escalier tout seul jusqu’au 10ème étage… C’est trop difficile de le porter." Être responsable d’un enfant, dans ces conditions, "c’est ça le plus dur", ajoutent les deux parents. Mais Alina ne veut pas se soumettre : "On a déjà enduré assez de choses comme ça ici, pour renoncer à nos envies ! Alors… On vit notre vie." Et si un deuxième enfant arrive, "c’est comme ça", sourit Alina.
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