: Reportage "Pour les gars d'ici, une femme dans la mine, ce n'est pas possible" : depuis le début de la guerre, les Ukrainiennes peuvent travailler dans les galeries
Le lieu est stratégique et tenu secret. La mine entre Dnipro et Pokrovsk dans le Donbass, à quelques dizaines de kilomètres du front, est une cible de l’armée russe : le charbon extrait permet d’alimenter notamment les centrales thermiques du pays.
Et depuis le début de la guerre, les règles ont changé : auparavant interdites de descendre au fond, les femmes peuvent désormais travailler dans les galeries : elles apportent leur aide sur certains postes, mais ne sont pas dédiées à la production de charbon.
Aux ascenseurs, aux capteurs de méthane, à la réparation des machines...
La roche défile le long des parois de l'ascenseur. En tout : 370 mètres de descente. L'air se réchauffe, le taux d'humidité fait suer les corps. À 510 mètres de profondeur, sous la surface, les portes s'ouvrent sur le sourire de Yevguenia. "Ça fait déjà un an que je travaille. Je suis arrivée ici pour soutenir notre système énergétique parce qu'il est dans un état critique et a besoin de main-d’œuvre féminine", explique-t-elle. Six heures durant, elle gère depuis le fond les trajets de l'ascenseur.
"Même mon formateur me disait que ce n'était pas un métier pour une femme, mais j'ai réussi à lui prouver le contraire. Pour les femmes, il n'y a pas de métier difficile. On peut bosser partout."
Yevgueniaà franceinfo
Deux kilomètres en profondeur, au fond d'une galerie, Nadiejda surveille les capteurs de méthane. Un travail vital dont elle n'est pas peu fière. "Ce n'est pas notre mission, extraire le charbon. Mais s'il le fallait, je ferais ce travail. Pour mes enfants, je pourrais tout faire. Il y a eu des taquineries et des moqueries. Pour les gars d'ici, une femme dans la mine, ce n'est pas possible. On a montré que nous, on sait travailler, on leur a prouvé", dit Nadiejda.
La guerre et l'inquiétude jamais très loin des mines de charbon
Ce sont les conditions sociales, avantageuses, selon elles, qu'elles mettent en avant. Katarina, aide-soignante, est désormais formée pour réparer les machines. "Je vais cotiser plus vite pour la retraite avec la pénibilité. J'ai du charbon gratuit pour chez moi, un bon salaire. Je peux aider ma mère", vante cette ancienne aide-soignante. Mais la guerre et l'inquiétude ne sont jamais loin.
"Ça fait deux ans et trois mois que mon frère est sur le front et mon mari vient juste d'être engagé."
Katarinaà franceinfo
Toutes disent vouloir rester travailler ici; une fois la guerre terminée. Mais l'ingénieur en chef Anatoly considère que leur présence doit rester une exception, car la mine est dangereuse. "On essaie de créer ici les meilleures conditions pour les femmes. Mais c'est sûr que ce n'est pas un travail pour elles, c'est celui des hommes. Dieu me pardonne, mais en cas d'accident, s'il faut aller sauver les mineurs, marcher 1h30 dans la fumée, dans l'incendie, c'est très dangereux. Pour ça, il faut de la force physique et être prêt moralement", conclut cet homme.
Les femmes, elles, n'acceptent qu'une seule différence : qu'on les appelle des "mineurettes", ou petites mineuses, plutôt que des mineurs.
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