Reportage "Je veux que ces gens soient punis pour leur inaction" : en Russie, la colère des habitants de Koursk contraints de fuir les combats

Des dizaines de milliers d'habitants de cette région russe frontalière ont dû fuir leurs logements en raison d'une offensive ukrainienne. Depuis, beaucoup sont hébergés dans des centres d'hébergement et vivent dans des conditions précaires.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le bâtiment de l'administration régionale de Koursk, le 17 octobre 2024. Photo d'illustration. (ANDREY BORODULIN / AFP)

Dans la région de Koursk, les autorités tentent d'éteindre la colère des habitants déplacés des zones occupées par l'armée ukrainienne. Même si l'armée russe a réussi à repousser partiellement les forces de Kiev ces dernières semaines, l'Ukraine occupe depuis près de trois mois une partie de cette région russe, après son offensive surprise de l'été. 

L'accès à la région de Koursk est très restreint pour les journalistes, mais les autorités admettent qu'au moins 120 000 personnes ont dû quitter leur logement précipitamment, il y a trois mois. Et certains n'en peuvent plus. Alors, comme souvent en Russie, ils enregistrent des vidéos sur les réseaux sociaux. "Cher président, Vladimir Vladimirovitch...", débute cet homme, avant d'expliquer les conditions précaires dans lesquelles lui et d'autres habitants de son village se trouvent depuis qu'ils ont dû fuir leur maison, en août.

L'adresse au président est un classique en Russie, mais il est rarissime qu'on aille plus loin. Mais, dimanche, une centaine de réfugiés de cette région frontalière, excédés, sont allés manifester sur la place rouge de Koursk. Un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur est alors sorti et a tenté de les intimider. "Je voudrais voir qui est à l'origine de cette action publique illégale", a-t-il lancé. Un homme, dans la foule, lui rétorque : "Illégale ? Selon la Constitution, nous avons le droit à un logement ! Les autorités ne violent-elles pas la Constitution ? Dites-moi !" Le fonctionnaire a fini par rentrer.

Des habitants qui parlent tout haut

Depuis des semaines, les habitants des zones occupées par l'Ukraine n'en peuvent plus d'attendre dans des centres d'hébergement temporaires. Ils fustigent leurs responsables locaux, qui ont fui les premiers quand l'armée ukrainienne est arrivée. Et comme ils estiment qu'ils n'ont plus rien à perdre, ils le disent tout haut, chose rare en Russie.

"Je veux que ces gens soient punis pour leur inaction. Ils sont là juste pour venir dans les centres d'hébergement, pour prendre des photos, nous donner un t-shirt... L'aide humanitaire entre par une porte et sort par une autre !"

un habitant de la région de Koursk

à franceinfo

Mi-novembre, lors d'une réunion organisée en catastrophe pour tenter de calmer la colère, le gouverneur de la région a décidé de limoger en direct le chef de district de Soudja, sous les applaudissements de la foule. 

Mais la stratégie du lampiste ne fonctionne pas : le gouverneur est maintenant mis sous pression par le gouvernement, qui a envoyé un vice-Premier ministre sur place distribuer des certificats de logements devant les caméras. Ce geste n'est pas certain de calmer les réfugiés, qui en appellent à Vladimir Poutine, le seul que personne n'ose critiquer. Militairement, l'opération ukrainienne en territoire russe n'est pas un grand succès, mais elle commence à présenter un problème interne pour le Kremlin.

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