Ukraine : à Kiev, les premiers récits d'exactions alarment les manifestants
Alors que les violences entre opposants pro-européens et forces de police ont fait des centaines de blessés, des témoignages mentionnent des tirs de snipers et des enlèvements.
La situation va-t-elle s'apaiser à Kiev (Ukraine) ? L'opposant Vitali Klitschko a appelé, jeudi 23 janvier, policiers et manifestants qui se font face à une trêve jusqu'à 19 heures (heure de Paris), en attendant le résultat de négociations prévues avec le pouvoir.
Cet appel au calme intervient après des semaines de mobilisation, mais surtout à la suite d'une flambée de violences provoquée par l'entrée en vigueur, mardi, d'une série de lois particulièrement répressives à l'encontre des manifestants pro-européens. Le lendemain, l'opposition a indiqué avoir dénombré cinq morts et environ 300 blessés. Sur place, des témoignages font état d'enlèvements, de tirs de snipers, voire de torture.
La police accusée de poster des snipers sur les toits
Parmi les victimes recensées par les protestataires, deux personnes ont été tuées par armes à feu. "Les manifestants accusent des snipers de la police d'avoir tiré depuis les toits sur ces deux militants", raconte à francetv info Alban Mikoczy, envoyé spécial de France 2 à Kiev. "Ils sont en effet morts près d'un secteur contrôlé par les forces de l'ordre. Mais le Premier ministre, Mykola Azarov, a catégoriquement démenti, en expliquant que la police n'était pas équipée de balles réelles."
Le service médical des opposants a en tout cas annoncé avoir dénombré quatre impacts de balles sur le corps de Sergiy Nihoyan. Cet Ukrainien d'origine arménienne, âgé d'une vingtaine d'années, avait rejoint les opposants à Kiev au début du mois de décembre. Il était rapidement devenu une figure du camp installé place de l'Indépendance, dans le centre de la capitale. "Il coupait du bois pour la cuisine, il aidait ceux qui montaient la garde... Il ne s'arrêtait jamais", raconte ainsi au Kyiv Post (article en anglais) une journaliste qui l'avait rencontré. Sur cette vidéo, le jeune homme récite un texte du poète ukrainien Taras Chevtchenko.
L'autre victime serait, selon différents médias, un citoyen biélorusse. La BBC (article en anglais) affirme qu'il serait un proche du mouvement d'extrême droite Una-Unso, également opposé au président Ianoukovitch.
Enlèvements dans les hôpitaux
D'autres témoignages, comme celui d'Igor Lutsenko, sèment la panique parmi les manifestants. Sur sa page Facebook (texte en ukrainien), cet activiste raconte avoir été enlevé mardi à l'aube, alors qu'il se trouvait à l'hôpital après y avoir accompagné un autre manifestant blessé à l'œil. "Environ 10 hommes ont pénétré dans le bâtiment et nous ont traînés dans un bus, sous les yeux d'une docteure", écrit Lutsenko.
Ses ravisseurs l'auraient ensuite conduit avec son ami dans une forêt de la banlieue de Kiev, avant de les séquestrer dans deux lieux distincts pendant une dizaine d'heures. Lutsenko, qui apparaît sur des photos récentes le visage tuméfié, aurait ensuite été menacé avant d'être libéré. Son ami a en revanche été retrouvé mort, indique le Wall Street Journal (en anglais), qui précise que la famille de la victime a déclaré avoir remarqué des traces de torture sur son corps. "Cette histoire a créé une véritable psychose chez certains manifestants, qui depuis refusent catégoriquement de se faire soigner à l'hôpital", explique Alban Mikoczy.
Des journalistes battus
Dernier élément alimentant la crainte d'exactions ciblées : les violences envers les journalistes. L'Institut des médias de masse, ONG ukrainienne de défense de la presse, a recensé 44 journalistes blessés lors des heurts des derniers jours.
Le journaliste russe Andreï Kisselev, qui couvrait les manifestations organisées jeudi, a ainsi été arrêté et battu par la police, selon son employeur, le site Lenta.ru. D'après ce média, Kisselev accompagnait un groupe d'opposants qui cherchait à retrouver d'autres militants détenus dans des fourgons de police quand des membres des forces spéciales les ont interpellés.
"Andreï Kisselev a raconté qu'ils ont passé une heure et demi à genoux dans la neige. Il a par ailleurs été blessé aux sourcils et a de multiples blessures", écrit le site russe indépendant. Un autre journaliste du site, présent à Kiev, a diffusé sur le réseau social Instagram une photo de son collègue le visage tuméfié, le sourcil et le nez en sang.
"J'ai croisé un journaliste ukrainien qui a reçu trois balles en caoutchouc sur le flanc alors qu'il tournait des images à l'aide d'un matériel léger, ajoute Alban Mikoczy. Il est convaincu que les forces anti-émeutes ont reçu des consignes pour cibler les journalistes dans la foule".
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