Ukraine : "Chacun a ses lignes rouges mais on peut parvenir à un accord", estime un expert en géopolitique
Les tirs d’artillerie dans le Donbass n'inquiètent pas particulièrement l'expert en géopolitique Frédéric Encel, qui souligne que ces derniers existent depuis maintenant presque dix ans.
Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po Paris, assure vendredi 18 février que la Russie et les Occidentaux peuvent "parvenir à un accord" sur le dossier ukrainien.
>> DIRECT. L'Ukraine et les séparatistes prorusses s'accusent mutuellement de nouveaux bombardements
Pour la Russie, l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan est "la ligne rouge absolue", mais les "Occidentaux ont aussi leurs lignes rouges" comme "l’envoi de mercenaires russes un peu partout dans le monde", "les cyberattaques" et "l’empoisonnement occasionnel d'opposants".
franceinfo : A-t-on franchi un pas supplémentaire ces dernières heures après les tirs à l'arme lourde dans la province séparatiste du Donbass ?
Frédéric Encel : Non. Ce qui m'inquiète, c'est la poursuite de la crise ukrainienne qui n'a pas commencé il y a quelques mois, mais qui a commencé en 2014. L'annexion de la Crimée par la Russie, c'est 2014. L'intervention d'hommes verts ou de petits hommes verts, comme on les appelle, parce que Moscou n'assume pas leur présence dans le Donbass, date de 2014. Depuis, malheureusement, plus de 3 000 personnes ont été tuées sur ce que l'on appelle en géopolitique un front de basse intensité. Ces derniers jours, il n'y a rien de réellement nouveau sur ces tirs sporadiques qui existent depuis maintenant presque dix ans. Ce n'est pas nouveau. C’est un conflit assez largement oublié. Des tirs de ce type-là, vous en avez à un rythme mensuel et parfois un rythme hebdomadaire depuis 2014.
La diplomatie particulièrement active d’Emmanuel Macron, qui s’est rendu à Kiev, est-elle efficace ?
J'ai envie d'inverser votre question. Si Emmanuel Macron, le chef de l'État le plus puissant de l'Union européenne, le chef de l'État le plus puissant de l'Otan sur le continent, et le chef de l'État qui assure en ce moment la présidence tournante de l'Union européenne, n'avait pas fait ce voyage, n'avait pas tenté quelque chose, qu'est-ce qu'on aurait dit ? On l'aurait houspillé à juste titre. Il est trop tôt pour dire que la diplomatie française a eu des résultats très concrets. S’il n'y a pas, ce que je crois, d'intervention militaire russe, pas de confrontation, au fond, on pourra mettre en partie, au crédit de l'intervention française et peut-être de l'intervention allemande le fait qu'on reste dans un état de paix.
L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan est une ligne rouge. C’est pour cela que Kiev n’en fait pas la demande ?
Officiellement, non ! Mais les Européens, l’Otan et les Américains avaient dit, à l'époque, qu’ils regarderaient avec intérêt une demande d'adhésion. Pour l’instant, on n’y est pas, mais pour la Russie, c'est la ligne rouge absolue. Quant aux Occidentaux, ils ont aussi leurs lignes rouges : l'arrêt d'envoi de mercenaires russes un peu partout dans le monde, notamment en Afrique. Les cyberattaques, ça devient un problème extraordinairement important. Et puis, l'empoisonnement occasionnel d'opposants qui viennent se réfugier en Europe. Donc, chacun a ses lignes rouges et je pense que sur cette base-là, on peut parvenir à un accord.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.