Cet article date de plus de deux ans.

Vidéo Energie : "on n'est pas capable aujourd'hui d'imaginer ce que pourraient être les coupures cet hiver", estime un spécialiste des questions relatives à l’énergie

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Article rédigé par franceinfo
Radio France

Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris, estime que le risque de coupures de gaz ou d'électricité pour cet hiver est réel. 

Quand la sobriété énergétique n'a pas été mise en place, on finit par avoir des coupures, a expliqué vendredi 26 août sur franceinfo Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des questions relatives à l’énergie, alors qu'EDF a annoncé la prolongation de l'arrêt de quatre réacteurs nucléaires. Sur les 56 réacteurs de France, 32 sont à l'arrêt.

franceinfo : Faut-il s'inquiéter ?

Thierry Bros : Oui, ce que nous indiquent les marchés avec des prix record d'électricité et de gaz c'est que les opérateurs ne savent pas comment on va passer l'hiver. C'est ça la vérité sur les marchés. Le nucléaire est une partie du problème, mais en plus on a le problème du gaz russe. Si vous additionnez les deux, cela veut dire que c'est l'équivalent de 11% de notre énergie primaire européenne qui est à risque. 11% c'est quelque chose que l'on n'avait jamais vu. Pendant le Covid, quand on s'est tous arrêté, la demande d'énergie primaire en Europe a baissé de 8%. On est à des niveaux que l'on ne sait pas maîtriser.

Quel effet peut avoir notre dépendance au nucléaire dans les mois à venir ?

On est forcément dépendant d'une énergie, quelle qu'elle soit. Ce qu'il fallait, c'est avoir de la flexibilité, de la capacité de production inemployée. Malheureusement, depuis dix ans, on a un peu vécu sur le mythe de la sobriété heureuse. On s'est dit que finalement il n'y avait pas besoin d'avoir de centrales en plus, qu'elles soient à charbon, à gaz ou nucléaire. On a fermé beaucoup de centrales et sans cette flexibilité on est face à un mur. On n'est pas capable aujourd'hui d'imaginer ce que pourraient être les coupures cet hiver. Le gaz russe et le nucléaire français sont des problèmes.

Les coupures sont un risque réel cet hiver ?

Oui, cela fait des mois que je dis que nous sommes dans une crise énergétique qui est la plus grave que l'ont ait jamais vécue. Quand vous n'avez plus de moyens de production, de capacités résiduelles inemployées, la seule solution c'est la destruction de la demande par la coupure. Ce qu'il faut comprendre c'est que la sobriété énergétique, quand elle n'a pas été mise en place, à la fin on a une destruction de la demande. On va dire aux gens : "On n'a pas fait les investissements donc on ne sait pas vous livrer du gaz ou de l'électricité".

Les prix ont-ils un impact ?

Les prix record sont une manière de dire aux Français qu'il faudrait moins consommer. Mais les consommateurs et les industriels sont très attachés à leur mode de vie. Pour le moment on n'a pas vu beaucoup de destruction de la demande et c'est là le problème. C'est pour ça qu'à la fin arrive la coupure que j'appelle "la destruction de la demande". On dit : "Puisque vous n'avez pas voulu faire d'effort et bien vous n'avez plus d'électricité, de gaz".

EDF a donné des dates de reprise. Pensez-vous qu'elles seront tenues ?

On voit que les mauvaises nouvelles s'enchaînent et que c'est le report d'un report. Ce que l'on voit, c'est que les problèmes s'accumulent. Ça fait 18 mois qu'on est dans cette crise.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.