Migrants : quatre questions sur les quotas voulus par Bruxelles
La Commission européenne veut forcer les Etats membres de l'UE à être solidaires, pour accueillir les réfugiés qui se pressent aux portes de l'Europe.
C'est la mesure phare du plan de la Commission européenne pour une politique migratoire. Bruxelles propose de répartir les demandeurs d'asile dans les pays de l'Union européenne, en imposant des quotas d'accueil aux Etats membres. Mais cette mesure de solidarité, censée être accompagnée d'une lutte renforcée contre les réseaux de passeurs, divise les responsables politiques. Explications.
En quoi consiste ce système de quotas ?
L'objectif est de forcer les États à être solidaires entre eux pour accueillir des réfugiés qui atteignent les côtes italiennes. Pour fixer ces quotas obligatoires, la Commission propose des critères objectifs concernant chaque pays: population, PIB, taux de chômage et nombre de demandeurs d'asile accueillis depuis 2010. "Ce système ne fonctionnerait qu'en cas d''afflux massif' de demandeurs d'asile (notion qui n'est pas encore définie), pour des personnes dont le besoin de protection est clair", précise Libération.
Plus de 360 000 demandes d'asile ont été traitées en 2014. La moitié seulement a été acceptée et six pays ont assumé l'essentiel de l'effort : Allemagne, Suède, France, Italie, Royaume-Uni et Pays-Bas. "L'Union européenne a besoin d'un système permanent qui permette le partage des demandeurs d'asile", explique l'entourage du président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Mais le mécanisme serait d'abord temporaire, afin de gérer les "situations d'urgence".
En outre, la Commission veut allouer un budget de 50 millions d'euros pour l'accueil de 20 000 réfugiés syriens, à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Eux aussi devront être répartis selon les mêmes critères objectifs.
Que signifient ces quotas pour la France ?
Paris, qui soutient le plan Juncker, devra, s'il entre en vigueur, assumer sa part de responsabilité.
Jusqu'à présent, 500 Syriens ont été accueillis et François Hollande s'est engagé à en recevoir 500 autres. D'après le plan Juncker, la France devrait recevoir 2 375 des 20 000 réfugiés syriens évoqués par les Nations unies (soit 11,9%). D'après les projections de la Commission européenne, la France devrait, en plus, traiter 14,17% des demandes d'asile, en cas d'"afflux massif". En 2014, la France a accueilli un peu plus de 20 000 demandeurs d'asile, sur les 185 000 demandes accordées en Europe (soit 10,8%).
Qui s'oppose aux quotas, en Europe ?
Alors que Paris et Berlin soutiennent le plan, Londres brandit à nouveau la menace d'une sortie de l'Union. "Les migrants qui tentent de gagner l'Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés", estime la ministre de l'Intérieur britannique, Theresa May. Les accueillir "ne peut qu'encourager plus de gens à risquer leur vie", ajoute-t-elle, fermement opposée à la participation britannique au projet.
Dans l'Est de l'Europe aussi, la proposition de la Commission suscite des remous. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, a déjà expliqué qu’il trouvait ce système "insensé". "L’idée européenne que quelqu’un puisse laisser des réfugiés pénétrer dans son pays pour ensuite les redistribuer dans d’autres États membres n’est pas équitable, elle est folle", tranche-t-il.
Des pays qui accueillent peu de réfugiés aujourd'hui tiennent la même ligne. "La République tchèque et la Slovaquie sont également opposées. La Pologne et un pays comme la Lettonie seront difficiles à convaincre", ajoute un diplomate européen interrogé par Les Echos. "Admettons que vous envoyiez un réfugié en Lettonie. A moins de l’emprisonner, vous n’avez aucune garantie qu’il restera dans cet Etat et qu’il n’ira pas dans un pays comme l’Allemagne, où les conditions d’accueil sont meilleures", explique un diplomate d’Europe de l’Est, toujours aux Echos.
Ce plan a-t-il une chance d'être appliqué ?
Le plan sera discuté par les ministres de l'Intérieur le 15 juin, à Luxembourg, puis soumis aux dirigeants, lors du sommet de Bruxelles du 30 juin. "Il est fort probable qu'il va être massacré, comme l'a été le dernier plan d'action présenté par la Commission européenne en décembre 2013 après un naufrage près de l'île italienne de Lampedusa", confient à l'AFP plusieurs responsables européens.
Interrogée par France Inter, Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen, est plus optimiste : "Convaincre les Etats réfractaires, c’est le problème majeur de la Commission, admet-elle, mais des outils existent. Quand une décision est prise à la majorité, il y a par exemple une clause de solidarité, de coopération dans la prise en charge des afflux importants de migrants. Cela pourrait aboutir à une vraie contrainte formelle."
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