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Démantèlement du camp de migrants à Paris : "Pourvu que ce soit le dernier"

Près de 4 000 migrants ont quitté le camp de tentes de Stalingrad, vendredi matin. Ils doivent progressivement être envoyés dans des centres d'accueil à travers la France.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des migrants patientent avant d'être évacués en bus vers des hébergements temporaires, le 4 novembre 2016, dans le 19e arrondissement de Paris. (AFP)

Sous les métros aériens de Jaurès et Stalingrad, ainsi que sur l'avenue de Flandre, il est 5 heures, et Paris s'éveille au son des sirènes. Des CRS délogent les occupants des tentes et les font converger vers trois points de rassemblement : un pour les hommes afghans, un pour les hommes d'Afrique de l'Est et un autre pour les femmes, les familles et les mineurs isolés. Des files d'attente se forment, pour des bus qui mettront jusqu'à sept heures à les résorber.

C'était "le plus grand campement que nous ayons connu" dans la capitale, souligne la maire de Paris, Anne Hidalgo. Les 3 852 occupants du camp de migrants installé dans le nord-est de Paris ont été évacués, vendredi 4 novembre, lors d'un démantèlement attendu de longue date. Les personnes prises en charge ont été conduites dans différents sites temporaires en Ile-de-France, avant de pouvoir rejoindre, à partir de la semaine prochaine, des centres parsemés sur l'ensemble du territoire.

"Je suis arrivée tôt pour pouvoir avertir certains migrants qui ne dormaient pas dans le périmètre, pour qu'ils ne ratent pas les bus", confie Romane, une étudiante de 21 ans, venue de nuit avec son amie Luna. A mesure que les premiers Afghans montent dans les cars avec leurs maigres affaires, cette bénévole adresse quelques gestes à ceux qui la reconnaissent et la saluent. L'un réussit à lui faire la bise, malgré l'imposant cordon policier. "Au revoir, bon courage", lui glisse-t-elle.

"On est réduits au rôle d'observateurs à distance", constate Patrick, 50 ans, lui aussi bénévole. Il apportait de la nourriture, des vêtements et une aide administrative aux migrants. Il se dit partagé face à ce démantèlement. "Le préfet de région est venu nous voir pour nous assurer qu'il ne s'agissait pas d'une énième opération de police, dit-il. C'est une vraie mise à l'abri, selon lui. Pourvu que ce soit le dernier camp."

"Tout le monde en CAO d'ici un mois"

Tout l'enjeu est là : faire en sorte que ce démantèlement marque un tournant. "C'est la trentième opération depuis l'été 2015", reconnaît la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, en visite sur place. Cette fois, dans la lancée de l'évacuation de la "jungle" de Calais"notre objectif est que toutes ces personnes soient dans des Centres d'accueil et d'orientation (CAO) le plus vite possible et qu'elles aient rapidement accès à des demandes d'asile".

Selon les services du préfet de la région Ile-de-France, il s'agit, dans un premier temps, d'accueillir les personnes dans des sites franciliens comme des gymnases, des bases de loisirs et des centres d'urgence. "Puis, dès lundi, 200 personnes partiront chaque jour vers des CAO à travers la France, dans l'idée d'avoir tout le monde en CAO d'ici un mois", précise le chef de cabinet du préfet, Patrick Vieillescazes.

Loin d'avoir entendu ces déclarations à la presse, les migrants ne cachent pas leur confusion. Des sourires animent bien certains visages, à l'idée de quitter le campement insalubre. Mais l'avenir, même très proche, paraît incertain. "Je ne sais pas où les bus nous emmènent", dit Ilies, un Somalien de 25 ans, ancien prof de maths. "Je ne veux pas quitter la région, j'ai commencé des cours de français à Saint-Denis", s'inquiète un Erythréen.

Des tentes récupérées "pour plus tard"

Pendant que le défilé des bus se poursuit, les services de la voirie entrent en action pour faire disparaître les abris et les objets abandonnés par les migrants. In extremis, des bénévoles tentent de sauver ce qui peut l'être. "On récupère les tentes et les couvertures pour les stocker dans notre local, pour plus tard", explique Juliette, une étudiante.

Pour elle, cette évacuation n'est pas la dernière. "Ces gens ont des rendez-vous à Paris, il y aura forcément des retours, sans doute dès ce soir, avance la bénévole. Ce quartier est leur point de repère. Avec la volonté affichée par Anne Hidalgo de ne plus laisser de camps naître à Paris, j'ai peur que la police chasse le moindre groupes de migrants."

Pour répondre aux inquiétudes, la maire de Paris annonce que le centre humanitaire de la porte de la Chapelle ouvrira "le plus vite possible, je l'espère dès la semaine prochaine". Ce site, pensé pour éviter la formation de campements de rue, permettra d'accueillir les "80 migrants qui arrivent chaque jour à Paris" avant leur orientation vers d'autres dispositifs en Ile-de-France et sur l'ensemble du territoire. "Nous voulons rentrer dans une gestion au fil de l'eau", explique-t-elle.

Sur l'avenue de Flandre, l'eau - justement - commence à tomber du ciel. Les derniers migrants, qui attendent là depuis des heures, peinent à s'abriter de la pluie et du froid. Tous devraient dormir au chaud ce soir. Pour combien de temps ?

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