Cet article date de plus de six ans.

"Un drame en trop" : en Italie, le meurtre d'un ouvrier agricole repose la question de l'exploitation des saisonniers venus d'Afrique

En Italie, le meurtre d'un Malien le 2 juin laisse sous le choc des travailleurs agricoles africains, nombreux en Calabre, et pour la plupart présents en toute légalité.

Article rédigé par Mathilde Imberty
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le portait de Soumaila Sacko, un Malien de 29 ans, tué le 2 juin 2018, près du camp de San Ferdinando, dans le sud de l'Italie (MATHILDE IMBERTY / FRANCEINFO)

En Calabre, dans le sud de l'Italie, le meurtre d’un immigré malien provoque la colère de travailleurs agricoles africains, nombreux dans cette région. Soumaila Sacko, 29 ans, a été abattu le 2 juin dernier, alors qu’il cherchait des tôles pour son abri. Il est devenu le symbole d’une catégorie d’immigrés, résidant légalement en Italie, mais exploités par des producteurs peu scrupuleux. 

Le camp de San Fernandino dans le sud de l'Italie où vivait Soumaila Sacko. (MATHILDE IMBERTY / FRANCEINFO)

Moussa, 19 ans, parcourt l’Italie au gré des saisons agricoles. Tout l’hiver, ce jeune malien a récolté des oranges à San Ferdinando, en Calabre, comme Soumaila, son compatriote aujourd’hui disparu. "On n'a pas de contrat, témoigne-t-il. Ce n'est pas bien payé." La nuit, cette main d’œuvre exploitée dort dans des cabanons misérables ou des tentes bâchées de plastique. Cet hiver, un incendie a ravagé le campement tuant une femme nigériane. Le camp est à présent marqué aussi par la mort de Soumaila Sacko. Le jeune syndicaliste, qui avait des papiers en règle, a été abattu alors qu’il allait chercher de la tôle dans une usine désaffectée pour se construire un toit. "C'est triste", répète inlassablement Moussa. 

On ne tue pas les hommes comme ça, comme un animal.

Moussa, travailleur agricole malien

à franceinfo

Le tireur présumé, proche du propriétaire du site sur lequel Soumaila s'était introduit, a été arrêté. Après le meurtre, en signe de protestation, les camarades de la victime ont cessé le travail une journée. Mamadou Dia, médiateur culturel pour l’ONG Médecins des droits humains décrit leur état d'esprit. "Évidemment qu’ils sont très en colère. C’est le drame de trop", indique-t-il.

Ce sont des travailleurs déjà maltraités, parfois même battus. J’ai vu cette saison un jeune qui avait travaillé deux mois sans être payé.

Mamadou Dia, humanitaire

à franceinfo

Dans ce contexte, entendre le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, du nouveau gouvernement parler déclarer que les migrants mènent la belle vie aux frais des Italiens, révolte Mamadou Dia et les travailleurs exploités de Calabre. D'autant qu'ils constituent une main d’œuvre précieuse pour cette région, aux dires du premier syndicat agricole italien, la Coldiretti. Son directeur régional, Pietro Sianni, affirme que "le secteur agricole est en forte croissance dans toute la Calabre"

La main-d'œuvre extra-européenne légale est une ressource essentielle. Sans elle, l’activité agricole ne grossirait pas ainsi.

Pietro Sianni, du syndicat agricole Coldiretti

à franceinfo

Le représentant du syndicat agricole explique que son organisation a l'intention de "former" ces travailleurs, et "pourquoi pas, dit-il, les héberger dans nos exploitations pour leur éviter ces baraquements".

L’État projette l’évacuation du campement insalubre de San Ferdinando et la multiplication des contrôles contre le travail illégal, dans la deuxième région du pays pour la production d’agrumes, une région stratégique pour le Made in Italy. 

L'onde de choc après la mort d'un Malien de 29 ans en Calabre - un reportage de Mathilde Imberty

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.