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Migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie : le président Loukachenko est "un criminel de grand chemin", martèle Nathalie Loiseau

Plusieurs milliers de personnes stationnent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne dans l'espoir d'entrer dans l'UE. "Il faut que ces personnes soient secourues", estime l'eurodéputée et ancienne ministre chargée des Affaires européennes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Nathalie Loiseau à Madrid, en Espagne, le 22 septembre 2021. (EMILIO NARANJO / EFE)

"Le président autoproclamé du Bélarus Loukachenko est à la fois un dictateur, un imposteur et un criminel de grand chemin", a martelé mercredi sur franceinfo Nathalie Loiseau, députée européenne et ancienne ministre chargée des Affaires européennes, alors que la tension entre la Pologne et la Biélorussie est toujours très vive. La Pologne a alerté sur une recrudescence des tentatives de passage illégal de sa frontière et repousse les migrants vers la Biélorussie, taxant ce pays de "terrorisme d'État" à la source d'une nouvelle crise des migrants en Europe. Pour Nathalie Loiseau, le président biélorusse "essaie de déstabiliser l'Union européenne". Elle accuse par ailleurs la Russie de mener "une guerre hybride par l'instrumentalisation de flux migratoires créés de toutes pièces."

franceinfo : Peut-on parler de trafic d'êtres humains ?

Nathalie Loiseau : Bien sûr. Le président autoproclamé du Bélarus Alexandre Loukachenko, c'est à la fois un dictateur qui réprime son peuple, c'est un imposteur, puisqu'il se maintient au pouvoir alors qu'il a perdu les élections. Et puis, c'est un criminel de grand chemin. Vous vous souvenez qu'il y a quelques mois, il avait fait détourner un avion européen qui circulait entre capitales européennes pour forcer cet avion à se poser en Biélorussie et enlever un opposant biélorusse et le mettre en prison. Cette fois-ci, il organise des vols depuis le Proche-Orient, mais il fait venir des migrants du Pakistan, d'Irak, de Syrie, de Turquie et même du Venezuela, pour les masser à la frontière avec la Pologne, avec la Lituanie, avec la Lettonie, les empêcher de rebrousser chemin. Les militaires bélarusses tirent en l'air pour effrayer ces migrants. Et pour essayer de déstabiliser la Pologne, des pays baltes et plus largement l'Union européenne, parce que l'Union européenne a été ferme et lui a imposé des sanctions.

Quelles nouvelles sanctions peut adopter l'Union européenne ?

Il faut véritablement faire reculer Loukachenko. Il faut appuyer très fort là où ça fait mal, sur des activités économiques que le Bélarus continue d'avoir avec l'Union européenne. Il faut aussi viser les compagnies aériennes qui se sont prêtées à ce jeu macabre et cynique et qui ont transporté, depuis Moscou, depuis la Turquie, depuis Damas, des migrants vers le Bélarus. Des vols qui n'existaient jusqu'à maintenant et qui se sont multipliés ces dernières semaines. Il n'est pas normal que ces compagnies aériennes se soient prêtées à ce jeu d'un cynisme épouvantable.

La chancelière Angela Merkel a parlé mercredi au président russe Vladimir Poutine, qui a rejeté toute responsabilité dans ce dossier et qui a dit à l'Europe de parler directement à Alexandre Loukachenko. Qu'en pensez-vous ?

C'est rideau de fumée. C'est le type même de ce qu'on appelle la guerre hybride. La guerre hybride, c'est une guerre qui se mène par des moyens non-militaires et dans laquelle personne ne la déclare. Personne ne dit, oui, je vous attaque. Et la Russie est championne de la guerre hybride par la désinformation, par les cyberattaques. Et maintenant, par la manipulation, l'instrumentalisation de flux migratoires qui sont créés de toutes pièces. Parce que ce n'est pas comparable à ce qui s'est passé, par exemple, avec les réfugiés syriens. D'abord, nous ne savons pas si ces malheureux qui sont dans le froid, sont des réfugiés, sont des migrants ou sont des gens qui nous sont envoyés. Moi, je suis quand même troublée du fait que certains ont décollé de l'aéroport de Damas, encadrés par l'armée syrienne. Donc, nous ne savons pas qui c'est. C'est sans précédent, parce qu'on n'arrive pas spontanément en Biélorussie quand on vient de ces pays-là. Et c'est ces personnes qui veulent entrer en Europe. Elles ne veulent évidemment pas rester dans un pays qui est une prison à ciel ouvert et qui est la Biélorussie.

Comment sanctionner la Biélorussie sans accabler le peuple bélarusse ?

Il faut tout simplement que le président Loukachenko arrête cette manipulation. C'est à lui de ne pas accabler son peuple. C'est à lui de comprendre le message qui doit être très ferme qui va être adressé par l'Union européenne. Dans le même temps, l'Union européenne passe des messages aux pays d'origine de ces migrants pour décrire ce qui se passe et pour leur dire surtout, n'y allez pas, vous êtes en train de vous faire manipuler. Cela avait commencé avec l'Irak cet été. Déjà, l'Union européenne avait passé un message très clair à l'Irak pour que les vols cessent et ils avaient cessé pendant un certain temps. Et puis, il y a une autre urgence qui est l'urgence humanitaire. Parce qu'il y a des hommes, des femmes et des enfants qui sont littéralement en train de mourir de froid dans un endroit épouvantable. Il faut que le Haut Commissariat aux réfugiés puisse y avoir accès, puisse leur venir en aide. Je ne dis pas qu'il faut que nous ouvrions nos portes. Il faut que nous fassions pour ceux qui relèvent véritablement du statut de réfugiés. Et je ne sais pas s'il y en a. Mais il faut que ces personnes soient secourues. Il faut que l'on puisse savoir de qui il s'agit. Savoir aussi s'il y en a qui présentent des risques de sécurité parce que c'est aussi la responsabilité de l'Europe. Et puis, ceux qui essayaient simplement d'entrer illégalement en Europe, qu'ils soient raccompagner chez eux, mais le tout humainement et dignement.

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