Cet article date de plus de trois ans.

"On était 52 personnes sur une barque" : les Canaries face à une crise migratoire sans précédent

Les ONG craignent que les Canaries ne deviennent un nouveau Lesbos ou un nouveau Lampedusa.

Article rédigé par franceinfo - Valérie Crova, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des migrants sur le port d'Arguinéguin, sur Grande Canarie, le 22 novembre 2020. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

"Je ne sais pas s'il est en vie", souffle cette mère, rongée d'inquiétude. Jointe à Fez, au Maroc, elle est sans nouvelles de son fils Yassine, qui a quitté le continent il y a deux semaines. "Tous les garçons à son âge rêvent de l'autre côté, explique-t-elle. Ils économisent de l'argent pour réaliser ce rêve." Ce rêve c’est l’Europe, que des milliers de migrants cherchent à atteindre, à n’importe quel prix. "Ils risquent leur vie en mer." Leur destination : l'archipel autonome espagnol des Canaries, au large des côtes de l'Afrique. Il connaît une crise migratoire sans précédent depuis 2006, année qui avait déjà vu l’arrivée de 30 000 migrants sur l’archipel. Les candidats à l'immigration sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance de ce coté-ci de l’Atlantique. 

Le port de pêche d'Arguineguín est donc devenu le point d’entrée des migrants. Pour le seul mois d’octobre, 5 000 migrants sont arrivés ici, isolés dans un premier temps sur un quai du port, où ils sont testés au Covid-19.

À quelques kilomètres de là, la station balnéaire de Puerto Rico, et ses complexes hôteliers, a un faux air de vacances en ce mois de novembre. Sauf que les touristes, qui affluent d'ordinaire, désertent les lieux en raison de la pandémie de coronavirus. Sur des transats, en retrait de la plage, des migrants tuent le temps. Ils ont été relogés dans des hôtels et attendent de connaître leur sort. Pap, un Mauritanien de 22 ans, est aux Canaries depuis un mois, après un voyage périlleux. "On était 52 personnes sur une barque, on a mis plus de dix jours pour arriver ici", raconte-t-il. 

Des tensions avec la population locale

Près de 19 000 migrants sont arrivés depuis le début de l’année, en majorité à Grande Canarie. Un afflux qui crée des tensions parmi la population fortement touchée par la crise économique et sociale. "Pourquoi on ne les renvoie pas chez eux ? Les migrants sont dans des hôtels en pension complète, alors que moi je ne peux pas me payer le luxe de faire de courses", fustige une Canarienne. 

Cette crise migratoire secoue le gouvernement de Pedro Sanchez. L’opposition en profite quant à elle pour fustiger sa politique migratoire, à l’image de Pablo Casado, du Parti populaire, qui a fait une courte visite ce week-end, à Arguineguín. "On réclame des solutions, des expulsions immédiates. Tout ça, c'était prévisible avec ce qui se passe en Libye et en Turquie. On savait que les routes migratoires allaient se déplacer vers l'ouest, vers l'Atlantique", explique-t-il.  Aujourd’hui les routes de la Méditerranée sont tellement surveillées qu’il est quasiment impossible de passer. Les candidats au départ empruntent la route vers les Canaries, plus longue et plus dangereuse. Plus de 500 migrants y ont déjà perdu la vie depuis le début de l’année.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.