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Livraison des Mistral à la Russie : la partie de poker menteur continue

Les conditions nécessaires à leur livraison ne sont pas réunies, assure le gouvernement. Par la voix d'une source "haut placée" restée anonyme, la Russie lance un ultimatum à Paris.

Article rédigé par Salomé Legrand, Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des marins sur le Mistral "Vladivostok" à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 8 août 2014.  (MARCUS BRANDT / DPA / AFP)

Livrera, livrera pas ? Le sort des deux porte-hélicoptères Mistral achetés par la Russie à la France fait l'objet de tractations au gré des évolutions de la situation dans l'est de l'Ukraine. Les conditions nécessaires à une livraison ne sont pas réunies aujourd'hui, a rétorqué la France, jeudi 30 octobre, par la voix de son ministre des Finances, Michel Sapin. Vendredi 14 novembre, la Russie, par la voix d'une source "haut placée" restée anonyme, laisse jusqu'à la fin novembre à Paris pour honorer le contrat.

Francetv info revient sur les derniers épisodes de ce poker menteur autour d'un contrat à 1,2 milliard d'euros conclu en juin 2011. 

18 septembre : "Nous n'en sommes pas là", dit Hollande

"Pour les Mistral, qui devaient être livrés à la fin du mois d'octobre, j'ai dit que dans les circonstances actuelles, ce n'était pas possible, mais si le cessez-le-feu est respecté, si le processus de règlement est achevé, alors ils pourront être livrés et le contrat exécuté." Lors de sa conférence de presse, le 18 septembre, François Hollande avait été clair : "Nous n'en sommes pas là."

Mais… les essais continuent. Cinq jours plus tard, dans la nuit du 23 septembre, le Vladivostok, premier des deux navires de guerre, reprend la mer au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour une deuxième série d'essais prévus dans le cadre du contrat. A son bord, 200 des 400 marins russes destinés à constituer les équipages des porte-hélicoptères commandés par Moscou et qui ont commencé leur formation début juillet. Il reste au port des chantiers après dix jours de navigation en mer, comme prévu. 

9 octobre : Moscou s'impatiente

"La situation est simple : il y a des contrats qu'il faut remplir." Trêve de négociation, le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch, tape du poing sur la table : "Si la partie française a de nouvelles variantes, il faut en parler et ne pas utiliser la méthode du mégaphone diplomatique." Il menace même : "La France doit se décider. Ou rendre l'argent." 

Mais… la Russie calme le jeu toute seule. Alors que Paris fait la sourde oreille, le 10 octobre, une "source hautement placée dans le domaine de la coopération militaro-technique de la Russie" confie à l'agence RIA Novosti, reprise par La Voix de la Russie, que le report de livraison ne dépasse pas les termes du contrat. Six jours plus tard, Paris en remet une couche : le 16 octobre, François Hollande réaffirme que le cessez-le-feu doit être "entièrement respecté" en Ukraine pour que Paris livre un premier bâtiment à la Russie.

28 octobre : "François Hollande réfléchit" 

"Le président de la République rendra sa décision courant du mois de novembre, qui est la date prévue", assure l'entourage du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors de l'inauguration d'Euronaval, grand salon du naval de défense, au Bourget. 

Mais… la Russie dit avoir été invitée à la livraison le 14 novembre. Le lendemain, Moscou date la livraison du premier navire au 14 novembre. La société "Rosoboronexport a reçu une invitation pour le 14 novembre à Saint-Nazaire où se trouvent 360 marins russes (...) pour la remise à la Russie du premier navire Vladivostok et la mise à l'eau du second", assure le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine. Une annonce appuyée par un document publié par Presse Océan : la lettre d'invitation officielle à en-tête du constructeur DCNS et signée par son vice-président, Pierre Legros. "Merci d'avoir accepté la modification de la date de cérémonie de livraison du Vladivostok", indique le texte, qui détaille un programme prévu pour durer de 10h30 à 15h15 le 14 novembre, de la signature au déjeuner à bord.  
 
Pourtant, peu avant la publication du quotidien régional, un porte-parole de DCNS affirmait être "en attente des autorisations gouvernementales d'exportation nécessaires pour la réalisation d'un transfert". En martelant : "Aucune date de livraison ne peut donc être confirmée à ce stade." 

30 octobre :  "Les conditions ne sont pas réunies"

"Aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies" pour une telle livraison, tranche le ministre des Finances, Michel Sapin sur RTL.

Et le ministre, proche du chef de l'Etat, d'expliquer la position de la France sur ce dossier : "Les conditions, c'est quoi ? C'est qu'en Ukraine, nous soyons dans un dispositif qui va vers la normale, qui permette de détendre les choses, qui fasse que la Russie joue un rôle positif."

"D'un certain niveau ça va mieux, d'autres points de vue il y a encore des inquiétudes, donc aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies", martelle le ministre.

14 novembre : l'ultimatum de la Russie

Le compte à rebours a commencé. La France a jusqu'à fin novembre pour livrer un premier navire de guerre Mistral à Moscou, déclare une source russe "haut placée", citée par l'agence Ria Novosti.

En cas de refus, la Russie se préparerait "à différents scénarios". "Nous attendrons jusqu'à la fin du mois, et ensuite nous présenterons nos sérieuses réclamations" financières, prévient la source anonyme. Des experts examineraient le montant possible du préjudice dû à la non-exécution du contrat.

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