Qui est Alex Salmond, l'homme qui veut "libérer" l'Ecosse ?
Le chef des indépendantistes écossais espère réaliser son rêve, jeudi, lors du référendum qui pourrait sonner le glas du Royaume-Uni. Francetv info dresse le portrait de cet économiste chevronné, expert en paris hippiques et en currys d'agneau.
Il est né au pied d'un palais en ruine qui, du temps de l'Ecosse indépendante, fut le berceau des souverains Jacques V et Marie Stuart. Des siècles plus tard, Alexander Salmond, l'homme de Linlithgow, mène la campagne pour le "oui" au référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, organisé jeudi 18 septembre. Le leader du Parti national écossais (SNP), 59 ans, se rêve, depuis des décennies, en libérateur d'une nation "occupée" depuis 1707 par le pouvoir de Londres.
A première vue, le chef du gouvernement écossais ("First minister" pas encore "Prime minister") n'a rien d'un nationaliste radical. Peu friand de kilts, de porridge et de Braveheart, il prône le maintien de la monarchie en Ecosse, au grand désespoir de l'aile dure de son parti. Il dîne parfois avec la reine Elizabeth II dans son château écossais de Balmoral, et a été invité au mariage de Kate et William, contrairement à Gordon Brown et Tony Blair.
Cet indépendantisme soft, initié dès ses premiers pas au SNP, est la clé de son succès. Etoile montante du parti dans les années 70 et 80, il tire alors son camp vers la gauche, plus proche de l'héritage de son père socialiste que de sa mère conservatrice. Objectif : attirer les déçus du parti travailliste et accroître l'audience du SNP, loin de tout fondamentalisme.
La cougar et le copain de golf de James Bond
Diplômé en économie et en histoire médiévale à la prestigieuse université de Saint-Andrews, Alex Salmond débute dans l'administration en 1978, où il séduit et épouse, à 26 ans, sa boss de 43 ans, avec qui il vit toujours. En 1980, il rejoint la Royal Bank of Scotland, pour sept ans, en tant qu'économiste spécialisé dans le pétrole. C'est là que naît sa conviction qu'une Ecosse indépendante serait viable sur le plan économique, grâce notamment aux gisements de la mer du Nord.
Elu député en 1987 puis leader du SNP en 1990, Alex Salmond signe l'un de ses premiers coups en faisant enregistrer un message de soutien par l'ex-James Bond Sean Connery, raconte une ancienne députée à l'Edinburgh Evening News (toutes les sources de cet article sont en anglais). Et tant pis si cet engagement en faveur du parti indépendantiste coûte à l'acteur son anoblissement par la reine, qu'il finit toutefois par obtenir en 2000.
"Alex domine tous les autres politiques de la tête et des épaules, non seulement en Ecosse mais aussi au Royaume-Uni", affirme Sean Connery, cité par The Observer, en 2011. "Le jour de notre rencontre, son enthousiasme et son intelligence m'ont impressionné", ajoute celui qui est devenu le "golfing buddy" du dirigeant nationaliste.
"Le Hugo Chavez du Nord"
Profitant de l'impopularité grandissante du parti travailliste en Ecosse, le SNP poursuit son ascension jusqu'à remporter, en 2007, les élections au Parlement écossais. Alex Salmond devient "First minister", ce qui n'enthousiasme pas la classe politique londonienne. L'Ecossais Gordon Brown, alors ministre des Finances du gouvernement Blair, attend quatre semaines avant de lui adresser un coup de fil de félicitations, note la BBC. Tony Blair, lui, n'a jamais décroché son combiné.
Reconnu pour son charme, sa mémoire des noms et des visages, et son talent politique (et musical et comique), Alex Salmond est aussi connu pour son arrogance et son mauvais caractère. Il divise tellement que certains partisans potentiels du "oui" refusent de se joindre au mouvement à cause de lui. Ses adversaires dans la campagne du référendum l'accusent aussi d'être prêt à tout promettre, pourvu que le "oui" à l'indépendance l'emporte, jeudi.
"Alex Salmond n'est pas Braveheart, c'est le Hugo Chavez du Nord, estime une chroniqueuse du Daily Telegraph. Il propose une société où tout sera généreusement financé et où personne n'aura rien à payer, grâce aux revenus pétroliers, comme dans le Venezuela de Chavez." Elle l'accuse de vouloir créer "une utopie socialiste" sans tenir compte de la volatilité des cours du pétrole et de l'épuisement des ressources.
Les amitiés d'Alex Salmond avec les milliardaires Rupert Murdoch et Donald Trump lui ont aussi valu d'être attaqué sur son positionnement à gauche. "Même ceux qui le suivent depuis des décennies peinent à connaître ses convictions autres que l'indépendance", écrit The Financial Times. L'universitaire James Mitchell le qualifie de "social-démocrate à l'ancienne", partisan de la redistribution mais respectueux des marchés.
Photo-bombing et photo-finish
Dans la campagne du référendum, Alex Salmond s'est imposé comme la figure centrale, ne laissant que peu de lumière à un camp du "non" emmené par l'austère Alistair Darling et divisé entre les ténors britanniques David Cameron, Ed Miliband et Nick Clegg, chefs des partis conservateur, travailliste et libéral-démocrate. Un rôle de trublion qu'il avait déjà endossé en 2013, en s'invitant, avec le drapeau écossais, sur une photo de David Cameron à Wimbledon.
Ancien expert hippique pour les quotidiens The Racing Post et The Scotsman, ainsi que pour l'émission de Channel 4 "The Morning Line", le chef des indépendantistes croit en ses chances, et savoure l'engouement autour de ce référendum qu'il a initié. Il a déjà invité les Ecossais à parier sur un taux de participation record de 80%, rapporte la BBC .
En cas de victoire, Alex Salmond résistera-t-il à son péché mignon, le curry d'agneau ? En octobre 2012, il s'était fait remarquer pour avoir séché une réunion de la Chambre des Lords afin de se rendre à un événement dans un restaurant indien d'Edimbourg. "Comme 65% des Ecossais, Alex Salmond a un problème de poids", avait prévenu, en 2010, un nutritionniste de l'université de Glasgow.
"Il mange tellement de curry après ses longues journées de travail que ses vêtements sont tendus comme les cordes d'un auvent pendant une tempête de force 9", ose même The Daily Mail. Alex Salmond, lui, affirme s'être mis au régime. La seule tempête qu'il espère est sans doute celle qui balayera le Royaume-Uni, dès jeudi, en cas d'indépendance de sa chère Ecosse.
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