Réfugiés en gare de Vienne : "C'est le début du bonheur"
Un nombre record de réfugiés, 18.000, sont arrivés ces dernières 48 heures en Allemagne en passant par l’Europe centrale. La plupart fuient la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Berlin et Vienne préviennent que cette situation restera temporaire. En attendant, dans ces deux pays, la solidarité s’organise avec ordre. Les exilés se retrouvent étonnés, parfois sidérés même d’un tel accueil. C'est ce qu'a constaté l'envoyée spéciale de France Info, Mathilde Lemaire, en gare de Vienne.
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2.400 euros pour traverser la Méditerranée
Epuisés, après avoir marché des jours entiers, après avoir traversé six, sept, parfois huit pays et la mer Méditerranée, les réfugiés retrouvent un peu de sérénité grâce à l’accueil qui leur est réservé à la gare centrale de Vienne.
"Vous êtes en sécurité et les bienvenus" clame le message aux réfugiés placardé en anglais et en arabe dans le grand hall blanc de la gare Westbahnhof .
Des mots qui réchauffent le cœur de Ferdaous et Mohamed. A 57 ans, ils ont fui Kobané en Syrie début août. Le couple tenait là-bas un garage, anéanti par Daech. Pour ces quinquagénaires, l’hospitalité autrichienne est une divine surprise après huit jours difficiles en Hongrie, ce pays qui ne voulait pas d’eux tout en bloquant leur traversée. "La Hongrie, c’était un enfer" dit Ferdaous :
"On y était considérés comme des détritus. Regardez mon œil gauche, j’ai un coquard. C’est un policier de Budapest qui m’a frappée. Moi une vieille femme ! Ici à Vienne : rien à voir ! Les gens sont bons, c’est le début du bonheur ! Si je ne voulais pas rejoindre ma fille chérie en Suède, je resterais en Autriche. Ça fait deux ans qu’elle est à Stockholm. Deux ans que je ne l’ai pas serrée dans mes bras. J’ai hâte."
Mohamed, son mari, renchérit sur la nécessité de la fuite :
"Je ne pensais jamais faire un tel voyage à mon âge. S’il n’y avait pas la guerre, jamais je ne serais venu ici. Mais là, il fallait fuir ! Si la guerre s’arrête un jour, je rentrerai. Mais je suis vieux et peut-être que je ne reverrai jamais la Syrie."
Les billets de train : un trésor
Ferdaous regarde son mari et pleure. Elle se cramponne aux deux sacs plastiques qui leur servent de bagages. A l’intérieur, il y a des vêtements, des couvertures et des biscuits offerts ici par l’ONG Caritas.
Le couple a payé 2.400 euros un passeur pour traverser la Méditerranée. Il ne leur reste que peu d’économies. Leurs deux billets de train pour Munich à 184 euros sont un trésor. Au guichet, Mohamed s’est fait aider par Amin pour les acheter. Amin habite Vienne mais d’origine tunisienne, il parle arabe.
"Je viens aider les gens qui sont en situation de détresse."
Les citoyens proposent divers services selon leurs possibilités. Une tarte, un thé chaud, des peluches pour les enfants. Michael, un bénévole, 33 ans, tient lui dans ses mains une pancarte sur laquelle est dessiné un petit bonhomme
"C’est mon amie qui a fait le dessin d’un bonhomme sous la douche pour dire aux réfugiés, si vous voulez, venez prendre une douche chez moi, j’habite à côté. Un syrien est venu tout à l’heure. Il n’avait pas pris de vraie douche depuis un mois ! Il était super content. Je crois qu’il y est resté 45 minutes !"
Un accueil organisé
Dans un autre coin de la gare, la Croix-Rouge a monté une infirmerie. Juste à côté, des bénévoles ont installé des dizaines de multiprises. Les réfugiés viennent y brancher leurs portables.
Souleymane, 23 ans, étudiant en architecture, originaire de la ville syrienne d’Alep retrouve de la batterie, une connexion wifi et le sourire.
"Le mobile c’est important. Il y a le GPS pour savoir vers où marcher pour traverser certains pays. Et puis il y a What’s app, la messagerie, mon dernier lien avec mon frère à Alep. Là je viens de lui écrire que j’étais dans un bon pays pour qu’il rassure ma mère. Là-bas il raconte que c’est toujours les violences les bombes. Et il dit que si je suis bien à Vienne je devrais peut-être rester, faire ma demande d’asile ici."
Souleymane pourrait donc renoncer à se rendre jusqu’en Allemagne, ce pays est l’eldorado de la plupart des exilés qui dans cette gare de Vienne lorgnent tous sur les trains pour l’Ouest. Omar par exemple, un ancien comptable du Comité olympique irakien qui a fui la province d’Alambar où il a vu cet été ses voisins défenestrés par les hommes de Daech.
"L’Allemagne c’est l’idéal. Je n’entends que de bonnes choses sur ce pays qui est comme une mère pour les réfugiés. J’aime déjà Angela Merkel. On l’appelle Mama Merkel ! J’irai dans n’importe quelle ville en Allemagne."
Quelques minutes plus tard Omar nous rattrape dans le hall pour nous interroger. "Est-ce que Paris et la France vont aussi recevoir des réfugiés ?"
Oui, serait sans doute tentée de lui répondre Melissa Flemming qui donne une interview à la chaine américaine CNN sur le quai numéro 6. La porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) est venue de Genève pour suivre la situation.
"Personne en Europe ne semblait préparé à ces arrivées massives de personnes. Tous ces départs pour l’Allemagne, c’est bien. Berlin va accepter cette année 800.000 réfugiés, mais la solution ne doit pas être seulement allemande. Il faut que chaque pays fasse sa part d’effort avec un système de quotas, et d’ailleurs même les pays hors d’Europe !"
La représentante de l’Onu se retourne. Un nouveau train pour Salzbourg avec correspondance pour Munich est en train de fermer ses portes. Mohamed et Ferdaous, le couple de Syriens, et Omar, le comptable irakien, sont à bord, en route pour leur nouvelle vie.
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