Les quatre propositions d'Emmanuel Macron pour réformer la directive sur les travailleurs détachés
Le président français estime que la directive favorise le dumping social au profit des pays d'Europe de l'Est, dont les charges salariales sont moins élevées.
"Une trahison de l'esprit européen." Emmanuel Macron a lancé, mercredi 23 août, une attaque cinglante contre la directive sur le travail détaché, au premier jour d'une tournée européenne pour un durcissement du texte. Cette directive autorise une entreprise de l'Union européenne à envoyer temporairement ses salariés dans d'autres pays membres, tout en continuant à payer les cotisations sociales dans le pays d'origine.
Emmanuel Macron a refusé en juin de signer un premier texte de réforme proposé par la Commision européenne, estimant qu'il n'allait pas assez loin. Après l'Autriche et la Roumanie, le président s'est rendu vendredi en Bulgarie pour convaincre les pays de l'Est de voter ses propositions. Si Paris a le soutien de Berlin et de Vienne, la Pologne a confirmé son refus, jeudi, tandis que la Hongrie redoute qu'une nouvelle mouture ne soit préjudiciable à ses nombreux travailleurs détachés. Franceinfo revient sur les quatre propositions d'Emmanuel Macron qui créent la polémique au sein de l'UE.
1Raccourcir la durée maximale du détachement
Une entreprise européenne peut aujourd'hui envoyer un de ses employés à l'étranger pendant trois ans au maximum. La France veut limiter la durée de ces détachements à douze mois sur une période de deux ans. La Commission européenne proposait en mai une limitation à deux ans, ce qui a poussé Emmanuel Macron à faire bloquer le vote de la réforme. Sur ce point, Paris se rapproche de l'Autriche, qui avait plaidé pour une limitation du détachement à six mois.
Par ailleurs, Paris souhaite que le détachement d'un salarié soit comptabilisé dès le premier jour de travail à l'étranger. "Aujourd'hui, le compteur ne tourne qu'au bout de six mois", souligne en effet l'Elysée, cité par Le Point. Cette disposition permettrait aujourd'hui à certaines entreprises de contourner la durée maximale du détachement en multipliant les missions courtes.
2"A travail égal, rémunération égale"
La directive Bolkenstein n’impose pas le principe du travail égal/salaire égal pour les salariés venus d'un autre pays de l'UE. A un même poste, un Roumain ou un Bulgare peut toucher le smic, tandis que son collègue français est payé davantage. Emmanuel Macron veut mettre fin à ces différences. "A travail égal, rémunération égale", a-t-il scandé à Vienne (Autriche). Il avait déjà formulé cette demande durant sa campagne présidentielle : "Un travailleur détaché doit venir travailler aux conditions françaises, il ne peut pas y avoir un travailleur détaché européen qui travaille en dessous du smic."
"A travail égal, salaire égal", a également repris Pierre Moscovici sur Europe 1. Mais le commissaire européen a posé des réserves sur la possibilité d'atteindre cet objectif. Selon lui, il ne faut pas "bercer les Français d’illusions" sur une éventuelle harmonisation sociale de l’Union européenne, car il faudrait l'unanimité des 28 Etats membres. "Je crois plus à un socle social commun qu’à une vraie harmonisation sociale."
3Renforcer les contrôles contre les fraudes
Emmanuel Macron souhaite également renforcer les contrôles contre les fraudes au système. Sont notamment visées les sociétés "boîte aux lettres", faussement domiciliées dans les pays de l'Est, mais contrôlées en réalité par des structures d'autres pays. En juin, Paris regrettait déjà que "les textes en discussion n’apportent pas de solutions satisfaisantes pour mieux lutter contre la fraude et les contournements", dans un document de travail alors consulté par Le Monde (article abonnés).
La France revient une nouvelle fois à la charge en réclamant un meilleur échange d'informations entre les systèmes de gestion sociale, précise Le Point, mais également de réelles sanctions, en cas d'abus. "Il faut développer les contrôles et les possibilités de contrôles sur le plan bilatéral", a précisé Emmanuel Macron.
4Inclure les transports routiers (mais pas tout de suite)
La France voulait que la réforme s'applique également aux transporteurs routiers, ce qui a mis en colère les professionnels roumains et bulgares. Mais cette position a suscité de très fortes réticences en Espagne et au Portugal. Pour obtenir un accord, Paris a donc accepté de lâcher du lest. Emmanuel Macron a précisé que cette question serait séparée des autres discussions. "Nous aurons ensuite une autre négociation sur le transport routier."
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