Europe : ces quatre commissaires qui montrent que l'UE regarde de plus en plus vers l'est
Depuis le 24 février 2022, date de l'invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne écoute davantage les petits pays d’Europe centrale. Pendant des années, ces Etats ont dénoncé la politique d’agression de la Russie, sans rencontrer d’écho auprès du monde occidental.
Désormais, la donne a changé. En témoigne les postes de commissaires européens attribués par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à ces petits pays. Les trois pays baltes ont ainsi décroché la timbale, avec les Affaires étrangères, la Défense et l’Économie.
L'Estonienne Kaja Kallas, Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité
Kaja Kallas visait l’OTAN, elle a obtenu les affaires étrangères au sein de l’exécutif européen. Économiste et avocate – elle a fait des études de droit européen – cette femme de 47 ans est membre du Parti de la réforme d’Estonie (ERE), un parti libéral, qui appartient au groupe Renew à Bruxelles.
Première ministre de son pays de 2021 à juillet 2024, Kaja Kallas est aussi la fille de Siim Kallas, Premier ministre, président de la Banque centrale d’Estonie et commissaire européen entre 2000 et 2014. Surnommée en Estonie "la Dame de fer", Kaja Kallas n’a pas de mots assez durs contre la Russie et son président Vladimir Poutine. D’ailleurs, la Russie a lancé en février dernier un avis de recherche contre elle. Mais pour la nouvelle chef de la diplomatie européenne, comme pour la majorité des Estoniens, il ne faut pas céder d’un pouce face à Moscou.
Une vision partagée par l’ensemble des nations d’Europe centrale, à l'exception de la Hongrie d’Orban et de la Slovaquie de Fico, deux régimes populiste et pro-Poutine. La politique étrangère de l’UE a opéré un virage à 180 degrés. Oubliée la realpolitik, Bruxelles confie les rennes de sa diplomatie à une opposante revendiquée au pouvoir russe. Quel changement !
Le Lituanien Andrius Kubilius, commissaire à la Défense et à l’Espace
Andrius Kubilius, 67 ans, a été physicien et chercheur à l’Université de Vilnius, à l’époque de l’URSS. Au moment de l’effondrement de l’Union soviétique à la fin des années 80 et au début des années 90, Kubilius a été un membre important du mouvement dissident lituanien. Il a ensuite rejoint l’Union de la patrie-Chrétiens-démocrates lituaniens (TS-LKS), un parti très proche de la CDU allemande, le parti d’Ursula von der Leyen.
Andrius Kubilius a été Premier ministre de son pays deux fois, en 2000 et entre 2008 et 2012. Et comme Kaja Kallas, son but est clair : réarmer l’Europe pour contrer la menace russe. Lui qui a été un membre actif de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen connaît l’importance de la défense européenne. Andrius Kubilius souhaite ainsi lutter contre les pénuries chroniques de munitions et d’équipements dans les armées européennes. Il travaillera étroitement avec Kaja Kallas. Avec un impératif : que les responsabilités entre les deux portefeuilles soient bien délimitées. Les budgets prévus sont énormes. Ursula von der Leyen a ainsi évoqué le chiffre de 500 milliards d'euros sur dix ans pour muscler la défense de l'Europe.
Le Letton Valdis Dombrovskis, commissaire à l’Economie et à la Productivité
À 53 ans, Valdis Dombrovskis a un parcours éclectique : physicien mais aussi diplômé d’économie de l’université de Riga, il a travaillé à la Banque centrale de Lettonie. Ce libéral, du parti de centre-droite Unité, a été Premier ministre de 2009 à 2014 avant d’occuper plusieurs postes de Commissaire européen.
Cet économiste est proche de ceux qu’on appelle "les Etats frugaux", les pays d’Europe centrale et du Nord attachés à l’orthodoxie budgétaire. En 2009, alors chef du gouvernement, il avait fait adopter un plan d’austérité budgétaire draconien marqué notamment par une baisse de 20% des salaires de la fonction publique ou encore une diminution de 10% des pensions de retraite. Cela ne lui portera toutefois pas préjudice, il accomplira trois mandats successifs.
À Bruxelles, il a donc en toute logique la réputation d'être un orthodoxe budgétaire. Vice-président exécutif de la Commission européenne et commissaire en charge du commerce dans l’équipe sortante, il a été chargé par Ursula von der Leyen de gérer lors de la prochaine mandature les portefeuilles de l’économie et de la productivité. Ces derniers mois, il s’occupe particulièrement du dossier des surtaxes sur les importations de véhicules électriques chinois.
Dans ses nouvelles fonctions, il sera notamment en charge du financement des investissements des pays membres, dans un contexte d’extinction programmée du programme d’emprunt commun de l’UE "NextGenerationEU", doté de plus de 800 milliards d’euros.
La Slovène Marta Kos, commissaire à l’élargissement européen
Marta Kos, âgée de 59 ans, a commencé sa carrière dans les bassins puisqu’elle a été championne de natation, sous drapeau yougoslave. Elle a ensuite travaillé comme journaliste, d’abord dans son pays, la Slovénie, puis en Allemagne comme correspondante pour la télévision slovène. Elle a ensuite occupé des postes de diplomate : ambassadrice de Slovénie en Allemagne, en Lettonie et en Suisse.
Marta Kos a, en outre, une brève carrière au sein d’un parti politique. D'avril à septembre 2022, elle était ainsi l'une des vice-présidentes du Mouvement pour la liberté, parti de centre-gauche libéral et écologique, membre du groupe Renew au Parlement européen.
Pour sa première expérience au sein d’un exécutif, Marta Kos sera chargée du dossier stratégique de l’élargissement. "C’est la priorité absolue de mon nouveau mandat", déclarait le 23 octobre dernier la présidente de la Commission européenne lors d’une tournée dans les Balkans occidentaux. Cinq pays des Balkans ont statut de candidats officiels : la Macédoine du Nord, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro. La Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ont de leur côté récemment vu leurs statuts de candidats validés par Bruxelles.
L’objectif de Marta Kos sera de travailler à l’intégration progressive de ces pays, en les aidant notamment à accomplir les réformes nécessaires à l’adhésion. La volonté politique est là même si le chemin reste long. Interrogé par l’AFP, Lukas Macek, à la tête du Centre Grande Europe de l'Institut Jacques Delors, estimait ainsi qu’il n’y aurait "pas d’adhésion totale possible avant la fin du mandat de la Commission" en 2030.
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