L'Union européenne trouve un accord sur une vaste réforme de la politique migratoire
Le Parlement européen et les Etats membres sont parvenus, mercredi 20 décembre, à un accord de principe sur la réforme de la politique migratoire européenne. Plus de trois ans après la présentation de ce projet par la Commission, il a fallu d'intenses tractations pour parvenir à ce compromis sur le "Pacte sur la migration et l'asile", dont les détails devront encore être finalisés.
Cette réforme doit encore être formellement entérinée par le Conseil européen, qui regroupe les dirigeants des 27 Etats membres, et le Parlement. L'objectif est une adoption finale de l'ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l'immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays, sur fond de montée de l'extrême droite. Franceinfo vous résume les points clés de l'accord.
Un "filtrage" des migrants à leur entrée
L'accord prévoit un filtrage obligatoire préalable à l'entrée d'un migrant dans l'Union européenne, à proximité des frontières extérieures. Selon le texte, les contrôles d'identification et de sécurité peuvent durer jusqu'à sept jours. A l'issue de ce délai maximum, la personne est orientée vers une procédure d'asile ou renvoyée dans son pays d'origine ou de transit.
Les pays d'arrivée sont chargés d'entrer les empreintes digitales, images faciales et documents d'identité des demandeurs d'asile et migrants dans la base de données Eurodac. Le champ de cette base de données a été élargi et devrait désormais s'appliquer aux enfants dès l'âge de six ans.
Des centres fermés près des frontières
Les demandeurs d'asile qui ont statistiquement moins de chances d'obtenir le statut de réfugié seront orientés vers une "procédure à la frontière". Il s'agit de ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance de ce statut est, en moyenne dans l'UE, inférieur à 20%, comme le Maroc, la Tunisie ou le Bangladesh.
Ces demandeurs d'asile seront contraints de rester dans des centres de rétention dédiés, près des frontières ou des aéroports, le temps de l'examen de leur procédure. Les Etats membres prévoient qu'au niveau de l'UE, quelque 30 000 places soient créées dans ces centres dédiés, afin d'accueillir à terme jusqu'à 120 000 migrants par an.
Le Conseil européen a insisté pour que même les familles avec enfants de moins de 12 ans soient concernées par une telle procédure, ainsi que les mineurs non accompagnés "posant un risque à la sécurité" (sans donner plus de précisions sur ce que recouvre ce terme). Le Parlement européen a toutefois obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière, sur les conditions d'accueil des familles avec jeunes enfants et sur l'accès à un conseil juridique gratuit pour les migrants, a précisé l'eurodéputée française Fabienne Keller (Renew), rapporteure de l'un des textes.
Un système de solidarité entre les Etats
Le nouveau système maintient le principe général en vigueur selon lequel le premier pays d'entrée dans l'Union européenne d'un demandeur d'asile est chargé de l'examen de son dossier. Un nouveau critère est toutefois ajouté, selon lequel le pays européen de délivrance d'un diplôme est responsable du traitement de la demande d'asile de son titulaire.
Alors que la règle du premier pays d'entrée fait peser un poids plus important sur ceux du sud de l'Europe, un mécanisme de solidarité obligatoire est introduit pour soulager les Etats membres confrontés à une pression migratoire. Les autres pays doivent alors contribuer, soit en accueillant des demandeurs d'asile via des "relocalisations", par une aide financière, ou en fournissant des moyens humains ou matériels.
Le Conseil européen prévoit au moins 30 000 relocalisations par an de demandeurs d'asile, depuis des pays sous pression migratoire. La compensation financière prévue est de 20 000 euros pour chaque demandeur d'asile non relocalisé.
Un règlement en cas de crise migratoire
L'un des textes de la réforme prévoit une réponse en cas d'afflux massif et exceptionnel de migrants dans un Etat de l'UE, comme au moment de la crise de 2015-2016. Il prévoit, là encore, le déclenchement rapide d'un mécanisme de solidarité en faveur de l'Etat concerné, et la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles.
Il prolonge également la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE. Il permet aussi des procédures d'examen des demandes d'asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés, afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Un retour vers des "pays tiers sûrs"
Un Etat membre peut prendre en compte la notion de "pays tiers sûr" pour y renvoyer un demandeur d'asile à l'issue de la procédure accélérée aux frontières. Il pourra ainsi juger un dossier irrecevable parce que le demandeur est passé par un pays tiers considéré comme "sûr", où il aurait pu déposer une demande de protection. Il faudra cependant qu'il y ait un "lien" suffisant entre la personne concernée et ce pays tiers, précise l'accord trouvé mercredi.
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