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Plafonnement des super-profits : "Pas sûr que ce soit très intéressant pour nous sortir de la crise", estime un spécialiste de l'énergie

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, assure qu'un plafonnement des "super-profits" issu des revenus des producteurs d'électricité à base d'énergies renouvelables et de nucléaire rapporterait 140 milliards d'euros aux États de l'Union européenne.

Article rédigé par franceinfo
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Des éoliennes situées devant la centrale électrique au lignite de Niederaussem, en Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne), le 13 septembre 2022. (FEDERICO GAMBARINI / DPA)

Invité de franceinfo mercredi 14 septembre, Thierry Bros, spécialiste de l’énergie et professeur à Sciences Po Paris s'est montré très critique après les annonces de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, le même jour. Dans son discours sur l'état de l'Union, elle a notamment défendu l'idée d'un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité à base d'énergies renouvelables et de nucléaire. Avec l'envolée des prix de l'électricité dans le sillage de ceux du gaz, ces entreprises revendent en effet leur production très au-delà de leurs coûts de production, des super-profits que Bruxelles propose de récupérer pour les redistribuer. "Je ne suis pas sûr que cela soit très intéressant pour nous sortir de la crise", estime Thierry Bros, également contributeur de Natural Gas World, site dédié à la question gazière mondiale.

franceinfo : Que pensez-vous de cette proposition de plafonner des revenus des producteurs d'électricité à base d'énergies renouvelables et de nucléaire ?

Thierry Bros : À la fin, ces sociétés investiront moins et je vous rappelle que ce qui nous concerne nous, c'est avoir une offre en croissance, c'est-à-dire avoir plus d'énergie. Ce qu'il faudrait, c'est essayer de favoriser tous les investissements. Je ne suis pas sûr que cet élément-là, certes populaire, soit très intéressant pour nous sortir de la crise [énergétique].

L'Union européenne (UE) va mettre sur pied une nouvelle banque publique dédiée au développement de l'hydrogène. "Nous voulons produire dix millions de tonnes d'hydrogène renouvelable dans l'UE chaque année d'ici à 2030", dit Ursula Von der Leyen. Est-ce que cela va dans le bon sens ?

"Je suis toujours très étonné quand j'entends des responsables politiques qui nous disent que la solution, c'est l'hydrogène. Je rappelle que l'hydrogène, pour le moment, on ne sait pas l'utiliser."

Thierry Bros

à francedinfo

Je rappelle aussi que si on doit construire de nouvelles centrales nucléaires en France, elles ne seront en production qu'en 2040. L'hydrogène, c'est au-delà de 2050, donc je ne suis pas sûr que ça soit une vraie solution à la crise.

Les 27 sont divisés sur l'éventualité de plafonner le prix du gaz. Cela vous paraît-il utile ?

Je crois que c'est une très mauvaise idée. Je crois que l'Union européenne a été construite sur les marchés. On a toujours pensé que les marchés étaient l'alpha et l'oméga, en ayant une régulation forte des marchés. Je rappelle aussi que jusqu'à présent, nous sommes dans une crise énergétique qui a fait flamber les prix, mais le marché seul, et pas les leaders politiques a permis la sécurisation de l'approvisionnement. Si nous sommes aujourd'hui en capacité d'avoir du gaz, c'est parce que les traders ont re-routé des cargaisons de gaz naturel liquéfié qui étaient destinées à l'Asie vers l'Europe, à des prix certes très élevés qui ne font pas plaisir, mais la sécurité d'approvisionnement a été garantie grâce à cela. Plafonner les prix du gaz va avoir des effets de bord. Ce qu'on pourrait avoir, ce sont des opérateurs qui se disent "finalement, puisque le prix est limité en Europe, je vais plutôt aller vendre ma cargaison en Asie", et donc on va aggraver la crise. D'autre part, c'est quelque chose qui n'a jamais marché. Je rappelle que Gorbatchev, quand il est arrivé au pouvoir en Union soviétique, il y avait des prix totalement régulés partout et que ça n'a pas bien marché là-bas.

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