Migrants: la Grèce soumise au bon vouloir d'Erdogan
«Nous sommes très préoccupés. Nous avons besoin d'un plan B.» Dans un entretien paru, le 3 août 2016, dans le quotidien allemand Bild, le secrétaire d'État grec à l'immigration, Ioanis Mouzalas, fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de la situation politique en Turquie. Athènes soupçonne son voisin turc de vouloir faire capoter un accord de coopération signé en mars 2016. Ce qui aurait pour conséquence de faire revenir en masse les réfugiés vers les côtes grecques.
Des promesses non tenues
Depuis le coup d'État manqué du 15 juillet à Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan est en pleine dérive autoritaire. Les purges qu'il mène au sein des grandes institutions du pays, ont été, à plusieurs reprises, dénoncées par Bruxelles, suscitant la colère d'Erdogan: «Ceux que nous imaginions être nos amis prennent le parti des putschistes et des terroristes», a-t-il déclaré publiquement, le 3 août, lors d'un forum économique à Ankara, désignant ouvertement les États-Unis et l'Europe des 28. «L'Union européenne n'a pas tenu ses promesses. Rien n'a bougé au niveau des visas», a-t-il ajouté.
En échange de ces «promesses», la Turquie s'était engagée à endiguer la vague migratoire qui déferle l'Europe depuis l'été 2015.
Mais comme l'a fait remarquer Reccep Tayyip Erdogan, l'Union Européenne n'a toujours pas suspendu les visas pour les citoyens turcs souhaitant se rendre en Europe. Une décision initialement prévue en juin 2016, mais repoussée en raison de la non-compatibilité de la politique turque - notamment anti-terroriste - avec les critères de libéralisation des visas. «L'État d'urgence (en Turquie) respecte les normes européennes», s'est défendu le président turc. Ankara attend de même le versement des 3 milliards d'euros alloués à l'accueil des réfugiés en Turquie et promis par l'UE.
La Grèce, première victime de la brouille
La signature, le 18 mars 2016, de cet accord a entraîné une chute des migrations vers la Grèce dès le lendemain et le surlendemain: pour le mois de juin 2016, les autorités d'Athènes ont enregistré une centaine d'arrivées quotidiennes sur le territoire national, au lieu de 1500 en janvier.
Mais l'animosité grandissante entre la Turquie et l'Europe des 28 place les Grecs dans une situation délicate. Si la Turquie se retire de l'accord, ils risquent de voir leurs structures d'accueil à nouveau saturées. Depuis un an, près d'un million de migrants ont transité sur leur territoire. Aujourd'hui, près de
50 000 migrants attendent encore d'y être régularisés.
«Les réfugiés doivent être équitablement répartis dans tous les pays de l'UE, et pas seulement dans certains», a rappelé Ioanis Mouzalas. Il pointe du doigt certains pays membres qui traînent les pieds, alors que d'autres, en Europe de l'Est (Hongrie, Slovaquie), refusent carrément d'en recevoir malgré les engagements de l'Union Européenne.
Même s'il perdure, l'accord du 18 mars est vivement critiqué. De nombreuses organisations internationales (Médecins sans frontières, Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU) ont exprimé leur désapprobation. Amnesty international accuse l'UE de «fermer les yeux» sur les expulsions illégales des autorités turques, et assure que le pays n'est pas «sûr pour les réfugiés syriens, et la situation s'aggrave de jour en jour».
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