Mariages forcés, avortements sélectifs, coups… Ces autres violences faites aux Indiennes
L'histoire de l'étudiante violée à New Delhi a scandalisé l'Inde. Son cas n'est pourtant pas isolé dans un pays où de nombreuses femmes sont agressées au quotidien.
Si elle illustre les violences et injustices subies, l'expression "sexe faible" a un sens en Inde. Le viol collectif de New Delhi a récemment déclenché un vent de protestation dans le pays, les manifestants dénonçant les violences faites aux femmes et réclamant une meilleure prise en charge des victimes et des plaintes pour viol. Mais les crimes sexuels ne sont pas la seule atteinte aux Indiennes. Selon une étude (en anglais) datant de juin et menée par la Fondation Thomson Reuters, l’Inde est le quatrième pays au monde le plus dangereux pour les femmes. Francetv info s’est penché sur cette situation alarmante, à l'heure où les accusés du viol collectif comparaissent.
Toutes les 20 minutes, une femme est violée en Inde
Les chiffres font froid dans le dos. Selon le National Crime Records Bureau du ministère de l'Intérieur indien, 24 206 viols ont été recensés en 2011, sachant que toutes les victimes ne portent pas plainte. Seulement 26,4% des procès ont abouti à une peine contre les accusés.
Le viol est un phénomène profondément ancré dans cette société patriarcale où les violences sexuelles faites aux femmes sont expliquées par des tenues et attitudes "trop libres". En octobre 2012, dans l’Etat de l'Haryana (dans le nord du pays), un "conseil des castes" a conclu que la recrudescence des viols était due à la vulgarité des programmes télévisés accusés d'encourager un éveil sexuel précoce (lien en anglais). Peu après, Om Prakash Chautala, un homme politique de l’Harayana, préconisait de baisser l’âge légal du mariage pour les femmes de 18 à 15 ou 16 ans afin de faire diminuer le nombre de viols.
Au quotidien, on conseille aux filles de ne pas sortir le soir, de ne pas porter de vêtements "sexy", de ne pas prendre le taxi toutes seules. Dans une vidéo (en anglais), une jeune Indienne dénonce l’inutilité de tous ces avertissements.
L'Inde est également, avec le Bangladesh et le Pakistan, le principal pays à pratiquer le "Eve teasing" (le fait de "taquiner Eve"), une expression qui se réfère à la nature tentatrice de la première femme biblique. Cet euphémisme désigne le harcèlement sexuel perpétré dans la rue et les transports.
Créé en 2003, le collectif Blank Noise ("bruit silencieux") vise à dénoncer ce type de harcèlement, en combattant l’idée que c'est la tenue des femmes qui les rend consentantes.
Ces petites filles qui ne naîtront pas
"Eduquer une fille, c’est comme arroser une plante dans le jardin de son voisin." Ce proverbe indien explique-t-il pourquoi 40 000 filles sont portées manquantes en Inde (lien en anglais) ? Le recensement de la population de 2011 montre en effet que l'écart entre filles et garçons s’est encore creusé, passant de 927 filles nées pour 1 000 garçons (en 2001) à 914 pour 1 000 en 2011. Bien qu’une Indienne enceinte n'ait pas le droit de connaître le sexe de son bébé, cette loi est facile à contourner. Un rapport des ONG Action Aid et IDRC (en anglais) explique qu’une échographie se troque contre quelques milliers de roupies.
Motif principal de cette sélection ? L’argent. Avoir une fille, c'est avoir une dot à payer. Le système de dot – pourtant interdite par la loi depuis 1961 – oblige la future épouse à remettre une somme d’argent ou des cadeaux à la famille de son mari lors du mariage, ce qui coûte très cher aux familles.
L'un des pires tabous du pays a récemment été évoqué par une grande star des films bollywoodiens, Aamir Khan, lors de son émission "Satyamev Jayate" ("Seule la vérité triomphe"). Dans cet épisode vu par plus de 500 000 personnes sur YouTube, l’acteur a démoli quelques mythes, en soulignant par exemple que cette pratique ne se limite pas aux ruraux illettrés mais touche également les milieux éduqués.
Mariages forcés et maris violents
Même après leur naissance, la discrimination des filles ne s’arrête pas. Selon l’Unicef, l’Inde totalise 40% des mariages forcés dans le monde, relève Foreign Policy Association (en anglais).
Particulièrement fréquent au Rajasthan (dans le nord-ouest du pays), le mariage des fillettes permet aux familles de "se débarrasser d’une bouche de trop à nourrir". "Cela me fera économiser de l’argent", déclare ainsi la mère d’une fillette de 10 ans à France 24.
La pratique des mariages forcés est sanctionnée par la loi – en théorie, on risque deux ans d’emprisonnement et une amende de 150 euros –, mais sans beaucoup de succès, explique la chaîne.
Depuis 2010, des amendements à la loi sur le divorce en Inde facilitent la dissolution du mariage “sans raison particulière”. Une bonne nouvelle pour les victimes de violences domestiques, nombreuses dans le pays. Douze femmes indiennes sont brûlées toutes les heures, indique Rue89 en se basant sur une étude de la revue médicale The Lancet (en anglais). L’immolation, première cause de décès pour les femmes de 15 à 24 ans, s’explique en partie par la violence domestique et les disputes liées à la dot.
Pourtant, même victimes de violence conjugale, la plupart des femmes indiennes restent mariées, explique The New York Times (en anglais). Le divorce reste en effet souvent synonyme d'absence de revenus et de retour sous le toit parental.
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