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Trente ans après la tragédie de Bhopal, Union Carbide se porte bien

La nuit du 3 décembre 1984, s'est produit l’une des plus grandes catastrophes technologiques de l’histoire. Une fuite de gaz sur le site chimique de Bhopal en Inde va provoquer en quelques jours, la mort de 3500 personnes. La tragédie fera 27.000 victimes à terme. Depuis ce jour, Union Carbide le propriétaire a échappé aux poursuites judiciaires et n'a versé qu' un dédommagement infime.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Cérémonie de commémoration de la tragédie à Bhopal le 3 décembre 2014. (INDRANIL MUKHERJEE / AFP)

Quand on parcourt le site internet de Union Carbide, l’événement marquant retenu dans la vie de l’entreprise est son rachat en 2001 par DAW Chemical, un autre poids lourds de la chimie.
La date du 3 décembre 1984 apparait bien. Mais sur la tragédie de Bhopal, l'entreprise maintient sa thèse d’un acte criminel. Sur le site dédié à la tragédie, Union Carbide revient sur une étude très controversée, payé par ses soins, qui avance la thèse d’un attentat perpétré par des extrémistes sikhs.
 
Trente ans après Bhopal, Union Carbide (UCC) est toujours une entreprise prospère, spécialisée dans la pétrochimie. C’est elle qui en 1920 a su fabriquer pour la première fois le méthylisocianate. Des plastiques que l’on retrouve partout, de l’automobile à l’agriculture. La société emploie 2400 salariés dans sept implantations aux Etats-Unis.
 
Union Carbide=Daw
En 2001 donc, elle entre dans le giron de DAW chemical qui la rachète pour la somme de 11,5 milliards de dollars. Visiblement, vu le prix de rachat, UCC n’a pas été très impactée par la catastrophe de Bhopal. Son image de marque n’a pas d’importance dans son activité de sous-traitance. Elle fournit la matière première à sa maison mère. En fait les deux sociétés sont totalement imbriquées. Daw est Union Carbide qui est Daw.
 
Côté financier, grâce à un arrangement avec l’Etat indien, UCC a versé 470 millions de dollars d’indemnités aux victimes, sur la base de 1000 dollars par décès et 500 par invalidités. Soit seulement 15% de la demande d’indemnisation formulée par les victimes. Cela ne lui a donc pas coûté cher, d'autant que les assurances ont versé 250 millions de dollars.

  (AFP)

En comparaison, BP a versé 20 milliards de dollars pour la pollution occasionnée par l’accident de sa plateforme dans le golfe du Mexique en 2010. Aujourd’hui la justice indienne cherche a obtenir une revalorisation de ces indemnités. Elle veut prouver que les victimes de la fuite de gaz sont bien plus nombreuses: entre 27.000 et 50.000 selon les expertises.
 
Mais Daw, l’actuel propriétaire, considère n’être lié en rien à la catastrophe. L’usine de Bhopal était entièrement sous la responsabilité de la filiale indienne de Union Carbide. Il en va de même pour la dépollution du site. Selon Daw, les travaux ont été entrepris tardivement car le site a été interdit jusqu’en 1994 par la justice indienne. Or c’est à cette date que Union Carbide India, la filiale indienne responsable de la catastrophe a été vendue. 
 
Un PDG jamais jugé
Au niveau pénal, la justice indienne n’a pas fait preuve de beaucoup d’efficacité, et les dirigeants de Union Carbide n’ont pas eu à faire beaucoup d’efforts pour échapper au tribunal. D’ailleurs, le PDG de l’époque Warren Anderson, est décédé le 29 septembre 2014 à l’âge de 92 ans à Vero Beach en Floride, loin de la misère.
 
Dans cette affaire, il n’a connu que quelques jours d’assignation à résidence à Bhopal.
Autorisé à rentrer aux Etats-Unis, Warren Anderson ne remettra jamais les pieds en Inde, contrairement à ses promesses. Dans un premier temps, Delhi accepte d’abandonner les poursuites pénales. Mais le 3 octobre 1991, la Cour suprême indienne dénonce l’aspect anticonstitutionnel de cet arrangement.
 
Warren Anderson est à nouveau poursuivi pour délit de fuite pour ne jamais s’être présenté aux convocations. Mais les demandes d’extradition entre 2003 et 2008 seront systématiquement rejetées par les autorités américaines.

Selon son épouse interrogée en 2009 par l’agence de presse AP, il a été hanté de nombreuses années par la catastrophe. En tout cas les actionnaires n’ont pas toujours mal dormi. La catastrophe ne leur aura coûté que 43 cents par action.

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