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Yogi Adityanath, l'extrémiste hindou qui dirige l’Etat le plus peuplé de l’Inde

Un prêtre hindou extrémiste, Yogi Adityanath, est devenu le 18 mars 2017 ministre en chef de l’Uttar Pradesh. Son parti, le BJP (nationaliste), a gagné 75% des sièges à l’élection dans l’Etat le plus peuplé de l’Inde. Connu pour sa rhétorique anti-islam, il est impliqué dans 18 affaires criminelles. Son arrivée au pouvoir pourrait être le signe d’une inquiétante évolution dans tout le pays.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min

Drapé dans sa robe safran et le crâne rasé comme d’habitude, Yogi Adityanath, 44 ans, a prêté serment le 19 mars comme chef du gouvernement de l’Uttar Pradesh dans la capitale régionale Lucknow. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, et les responsables du parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP), participaient à la cérémonie, retransmise en direct par des télévisions de tout le pays.

Le nouveau «chief minister», de son vrai nom Ajay Singh Bisht (selon The Hindu), a promis de faire du développement de cette région pauvre la colonne vertébrale de son mandat. Mais d’aucuns se souviennent qu’en 2014, au cours d’une réunion électorale dans son fief de Gorakhpur (est de l’Uttar Pradesh), il n’avait pas hésité à déclarer (cité par Le Monde): «Ne me choisissez pas pour le développement mais pour l’hindutva» (l’«hindouité», terme venu de l’extrême droite hindoue et désignant la doctrine nationaliste de cette religion).

Un personnage violent
Yogi Adityanath est connu pour sa violence verbale contre les musulmans, qui représentent près de 20% de la population de l'Etat dont il vient de prendre la tête. Militant pour une Inde exclusivement hindoue, le prêtre a ainsi mis sur le même pied une grande star musulmane de Bollywood avec un chef djihadiste pakistanais. L’une de ses priorités «est de construire un temple du dieu Ram à Ayodhya, sur le site d'une ancienne mosquée: l'un des sujets les plus explosifs en Inde et qui pourrait rapidement enflammer le chaudron communautaire» de l’Uttar Pradesh, rapporte RFI.
 
Son ire s’étend également aux chrétiens. Il a ainsi mené une «campagne de purification» pour les convertir à l'hindouisme. Et à ses yeux, Mère Teresa faisait partie d’une «conspiration pour la christianisation de l’Inde».

 
Comme député au Parlement de Delhi, il a initié plusieurs projets de loi. Notamment celui d’interdire l’abattage des vaches, considérées comme sacrées par les hindous. Un projet qu’il entend d’ores et déjà réaliser dans «son» Etat en fermant les abattoirs, au grand dam des bouchers. L’industrie de la viande en Inde, généralement tenue par les musulmans, est régulièrement source de tensions religieuses. Le 22 mars, trois boucheries adjacentes ont brûlé dans l’Uttar Pradesh. La police n’exclut pas la piste criminelle.

La violence de Yogi Adityanath n’est pas que verbale. Il est ainsi impliqué dans 18 affaires criminelles (selon Le Monde), sur lesquelles des enquêtes sont toujours en cours. Il est aussi en attente de jugement pour tentative de meurtre en 1999. Comme dirigeant de la milice Hindu Yuva Vahini, il est accusé d’avoir semé la terreur dans la communauté musulmane de l’Uttar Pradesh.

En 2007, il a passé 11 jours en prison. Il avait alors déclaré (cité par The Guardian): «Si une hindoue se marie à un musulman, nous prendrons 100 musulmanes… Si eux (les musulmans) tuent un hindou, nous tuerons 100 musulmans.» Son arrestation l’avait «tellement énervé (…) qu’il (s’était) alors effondré, les yeux pleins de larmes (…) expliquant qu’il s’agissait d’une ‘‘conspiration politique’’ pour le tuer», raconte le site scroll.in.

Quelle «nouvelle Inde»?
Le prêtre n’en a pas moins été désigné par Narendra Modi lui-même comme candidat à la tête de l’Uttar Pradesh. Le BJP avait fait de sa campagne dans l’Etat un référendum sur la personne du Premier ministre, qui sort ainsi consolidé dans sa stature d'homme fort de l'Inde. Ce dernier suscite une adulation du peuple sans équivalent dans ce pays de 1,25 milliard d'habitants depuis les Premiers ministres Jawaharlal Nehru et Indira Gandhi, figures historiques du parti du Congrès national indien.

«Une nouvelle Inde est en train d’émerger», s’est félicité Narendra Modi sur Twitter à l’issue de l’élection.


Mais la «nouvelle Inde» en question n’est pas forcément du goût de tout le monde. Le choix de Yogi Adityanath «est un choix odieux parce que le BJP a sélectionné un individu largement considéré comme la personnalité la plus violente et la plus polarisante dans la vie politique de l’Uttar Pradesh», analyse ainsi, dans The Indian Express, l’universitaire Pratap Bhanu Mehta. «Pendant la plus grande partie de sa carrière, il a été la mascotte d’un communautarisme hindou militant, d’idées réactionnaires, tout en banalisant le conflit et la brutalité dans le discours politique», poursuit-il. Et d’ajouter: «Cela indique que le BJP va désormais être dominé par ses extrémistes.» Qui pourraient ainsi être tentés d’appliquer leur programme d’une Inde entièrement hindoue…

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