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Iran: La fatwa de Khomeini contre Salman Rushdie relancée à des fins électorales

Une quarantaine d’organes de presse iraniens, proches de la ligne dure du pouvoir,ont augmenté de 600.000 dollars la prime pour la tête l’écrivain britannique Salman Rushdie. Une relance de la fatwa prononcée en 1989 par l’Ayatollah Khomeini, premier guide de la République islamique, à 4 jours d’une double élection cruciale pour les réformateurs qui appellent à un vote massif contre «l’extrémisme»
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Salman Rushdie, l'écrivain britannique d'origine indienne, présentant son dernier roman «Deux ans, huit mois et vingt huit nuits», le 6 octobre 2015 à Madrid. (Oscar Gonzalez/NurPhoto/AFP)

Tel un orage dans le ciel serein de l’après accord nucléaire avec les occidentaux, l’agence officielle iranienne Fars a fait éclater un scoop mondial.

La prime à l'assassinat de Salman Rushdie augmentée de 600.000 dollars 
Elle a publié la liste de 40 organes de presse qui ont cotisé pour une augmentation de la prime pour la tête de l’auteur du livre «Les versets sataniques», jugé blasphématoire.

Avec 600.000 dollars de plus, la prix de la vie de Salman Rushdie est passé de 2,7 à 3,3 millions de dollars. Exposé à nouveau à une vindicte incontrôlable, l’écrivain britannique, qui a vécu des années sous haute protection, risque de devoir replonger dans la clandestinité.
 
Si cette relance est justifiée par le 27ème anniversaire de la fatwa prononcée par l’Ayatollah Ruhollah Khomeini, elle intervient à quatre jours des deux scrutins cruciaux du 26 février 2016 en Iran.
 
Un vote législatif pour renouveler les 290 sièges du parlement, et un vote pour élire les 88 religieux de l’Assemblée des experts, une institution chargée d’élire ou de révoquer le guide suprême. Les deux assemblées étant dominées à l’heure actuelle par les conservateurs.

Les anciens présidents Khatami et Rafsandjani appellent à voter contre l'extrémisme 
La publication de l’information sur Salman Rushdie par l’agence Fars a suivi en effet de très près l’appel lancé aux électeurs par les deux anciens présidents Mohammed Khatami et Akbar Hachémi Rafsandjani à voter massivement pour les candidats réformateurs.
 
Revendiquant le succès du président modéré Hassan Rohani à la présidentielle de 2013, Mohamed Khatami, grande figure des réformateurs, estime qu’il faut transformer l’essai au Parlement.
 
«Avec la coalition, qu’il faut saluer entre les réformateurs et les forces qui soutiennent le gouvernement, deux listes, pour le Parlement et l’Assemblée des experts, ont été présentées. Je propose de les appeler les listes de l’espoir» a-t-il déclaré.
 
Dans un appel séparé, l’ex-président modéré Rafsandjani, candidat lui-même avec le président Rohani à l’Assemblée des experts, a déclaré : «Nous devons prouver au monde que le radicalisme…et l’extrémisme n’appartiennent qu’à une minorité et la vérité de l’islam est d’éviter la guerre, l’effusion de sang, et d’insister sur la paix et la fraternité».
 
Des déclarations en forme d’attaques en règle contre les tenants de la ligne dure opposée à l’accord sur le nucléaire ou à l’ouverture aux puissances occidentales. Mais surtout attachée au principe de gouvernance dit de «Wilayat al Faqih», basé sur la suprématie ou l’infaillibilité du guide.

Pour le CNRI, la relance de la fatwa, un preuve que le terrorisme est «un des piliers du régime» 
Au risque d’exposer la vie de l’écrivain britannique à des chasseurs de prime, la relance de la Fatwa par l’agence Fars contre Salman Rushdie vient opportunément remuscler le discours conservateur.
 
Elle avait été neutralisée en 1998, sous la présidence de Mohammed Khatami, puis reconfirmée en 2005 par le guide suprême, Ali Khamenei, en personne. Enfin, la même agence Fars avait levé toute ambigüité en 2006 en rappelant que la peine de mort prononcée par l’Ayatollah Khomeini le 15 février 1989 était permanente.
 
Les opposants du Conseil National de la Résistance Iranienne ont réagi en révélant les noms des organes de presse et les montants des cotisations apportées à l’augmentation de la mise à prix.
 
Pour Shahin Gobadi, membre du CNRI, «cela prouve clairement une fois de plus que le terrorisme est entremêlé avec l’existence même de ce régime et qu’il est l’un des piliers de sa survie».

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