Cet article date de plus d'onze ans.

Mahnaz Shirali sur la réalité de la bombe atomique iranienne

Alors que nombre d'observateurs s'interrogent sur le danger du nucléaire iranien, craignant à terme la mise au point d'une bombe atomique, la sociologue iranienne Mahnaz Shirali estime qu'il y a dans la position jusqu'au-boutiste affichée par Téhéran une forte part de bluff.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Téhéran le 10 février 2013: manifestation de soutien au régime, 34 ans après la révolution islamique.  (AFP/RIA NOVOSTI/GRIGORY SISOEV)
La menace du nucléaire iranien est-elle crédible, ou est-elle utilisée par les religieux au pouvoir à d’autres fins ?
Le pouvoir iranien s’amuse avec le monde entier avec quelque chose qu’il a monté de toute pièce. Les dirigeants iraniens sont tout sauf des idiots. Ils créent de la tension pour exister au plan international, pouvoir traiter en position de force avec les Occidentaux et faire peur aux Israéliens.
 
A Téhéran, dans les cercles du pouvoir, peu de responsables savent ce qu’il en est du programme nucléaire. Seuls les gens qui travaillent à l’intérieur des usines sont vraiment au courant. Les dirigeants iraniens savent que la communauté internationale ne leur permettra pas d’attaquer Israël, mais ils crient qu’ils ont la technologie et ça marche.
 
Les dirigeants iraniens rêvent d’exercer une position dominante au sein de la vie diplomatique internationale. Pour cela, ils sont habiles et savent comment se positionner sur la scène internationale. 
 
Les Iraniens sont un peuple pacifique qui n’a jamais attaqué un autre pays. Téhéran ne pourrait rien faire avec la bombe, sauf à l’utiliser sur son propre peuple.
 
L’arme atomique n’est-elle pas un instrument de politique sur le plan intérieur ?
Rien ne permet d’affirmer que la population soutient le régime dans le domaine de l’arme nucléaire. L’Institut américain Gallup a récemment demandé leur avis sur le nucléaire à 2.000 à 3.000 Iraniens contactés par téléphone. Les enquêteurs ont pris pour argent comptant les réponses obtenues. Mais les gens ont répondu ce que le pouvoir souhaitait : ils ont dit qu’ils approuvaient. La population est fatiguée. Elle vit en permanence dans une ambiance de terreur créée par l’Etat policier. C’est pourquoi les résultats obtenus par cette enquête ne peuvent avoir aucune crédibilité.
 
La focalisation des Occidentaux sur la problématique du nucléaire les empêchent de s’occuper des droits de l’Homme en Iran. Cette stratégie de confrontation sans fin avec la communauté internationale permet de détourner les yeux des problèmes les plus graves dans le pays.
 
La liberté d’expression est ainsi toujours gravement bafouée. 90% des sites internet sont interdits. Les gens n’en continuent pas moins à trouver ces sites par des chemins détournés, mais ils risquent d’être arrêtés. Certains sont même exécutés.
 
Quelle peut-être l’issue de cette crise ?
Téhéran va continuer à jouer au chat et à la souris avec la communauté internationale.
 
Les Occidentaux n’ont pas véritablement pris ce régime au sérieux et croient à la possibilité de sa démocratisation. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans que les dirigeants iraniens ne surprennent le monde. Leur pouvoir semble stable. Ils ont réussi à démanteler les structures culturelles, éducatives, judiciaires du pays. 
 
Quant aux élections, tout se passe dans les apparences. Lorsque quelques candidats réformistes parviennent à traverser le filtre de la présélection – comme l’ancien premier ministre Hossein Moussavi ou Mehdi Karoubi en 2009 –, ce n’est que pour susciter quelque temps un espoir parmi la population, et inciter les gens à voter. 
 
L’avenir de l’Iran est difficile à prédir. D’un côté, les intellectuels ne semblent pas être capables de fournir la base nécessaire pour consolider le mouvement démocratique en Iran. De l’autre, la jeunesse iranienne est hostile à la notion même d’autorité et ne supporte pas la moindre organisation politique. Dans de telles circonstances, aucune option valide n’existe face au régime et rien ne laisse présager, à court terme, une transformation majeure dans l’équilibre du pouvoir. Peut-être le régime islamique s’effondrera-t-il de lui-même, mais tout laisse croire qu’il faudra attendre longtemps. 

Mahnaz Shirali, sociologue indépendante vivant en France, est notament l'auteur de La Malédiction religieuse (François Bourin éditeur, 2012). 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.