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Israël : pourquoi Benyamin Nétanyahou est fragilisé après la dissolution de la Knesset et l'annonce de nouvelles élections

Le Premier ministre a essuyé un revers cinglant en échouant à former une coalition de gouvernement. Il a préféré provoquer de nouvelles élections quelques mois à peine après le précédent scrutin. Du jamais vu en Israël.

Article rédigé par franceinfo
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Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 29 mai 2019. (ILIA YEFIMOVICH / DPA / AFP)

Il s'est présenté à la presse les traits tirés. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, est apparu abattu après son échec pour former une coalition de gouvernement qui l'a contraint à provoquer une dissolution du Parlement israélien, la Knesset. Il y aura donc, en septembre prochain, de nouvelles élections, quelques mois à peine après le précédent scrutin. Un échec cinglant et du jamais vu en Israël. Franceinfo vous explique pourquoi la situation du Premier ministre n'a jamais été aussi fragilisée. 

Il est incapable de former une coalition

Benyamin Nétanyahou n'a pas réussi, dans le délai imparti (avant mercredi minuit), à former une coalition avec les partis de droite plus ou moins centristes ou radicaux et les ultra-orthodoxes représentant les quelque 10% d'Israéliens observant rigoureusement les règles du judaïsme. Plutôt que de voir le président Reuven Rivlin donner sa chance à un autre, il a fait le choix d'initier de nouvelles élections en provoquant une dissolution de la Knesset. Un mois seulement après avoir prêté serment à la suite des législatives du 9 avril, les Israéliens retourneront donc aux urnes le 17 septembre.

Avec cette nouvelle impasse, Benyamin Nétanyahou prête encore davantage le flanc à l'accusation de s'accrocher à son poste coûte que coûte pour sauver sa peau. Depuis des mois, la presse rapporte les projets de Benyamin Nétanyahou et de ses alliés de faire adopter des textes prémunissant le Premier ministre contre les poursuites.

Le projet de loi d'immunité protégeant les députés en exercice est surnommée "loi française", en référence aux intouchables présidents de la République, rapporte Libération. Un autre texte propose une limitation des pouvoirs de la Cour suprême, qui ne pourrait plus annuler les décisions prises par la Knesset. Avec la perspective de ces nouvelles élections, la promulgation de ces lois est en suspens. Ce qui n'arrange pas les affaire du Premier ministre.

Il est inquiété dans trois affaires judiciaires

Ces lois devaient justement le mettre à l'abri, au moins temporairement contre les poursuites judiciaires qui le menacent. Le Premier ministre doit en effet être entendu par le procureur général d’Israël le 2 octobre, une quinzaine de jours après le prochain scrutin, en vue de sa future inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance, dans trois dossiers.

>>Israël : ce qu'il faut retenir des menaces d'inculpation de Benyamin Nétanyahou, annoncées en pleine campagne électorale

La police soupçonne notamment le Premier ministre et des membres de sa famille d'avoir reçu pour un million de shekels (environ 245 000 euros) de cigares de luxe, bouteilles de champagne et bijoux de la part de richissimes personnalités, en échange de faveurs financières ou personnelles.

Les enquêteurs suspectent également Benyamin Nétanyahou d'avoir tenté de conclure avec le propriétaire du Yediot Aharonot un accord pour une couverture plus favorable de la part du plus grand quotidien israélien payant. En retour, le Premier ministre aurait évoqué avec Arnon Moses la possibilité de faire voter une loi qui aurait limité la diffusion d'Israel Hayom, un quotidien gratuit, principal concurrent du Yediot.

Enfin, le Premier ministre est soupçonné d'avoir tenté de s'assurer une couverture favorable de la part du site d'informations Walla, en contrepartie de faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des centaines de millions de dollars à Bezeq, principal groupe de télécommunications israélien. Ce dossier est présenté comme le plus dangereux pour Benyamin Nétanyahou.

Il a perdu l'appui d'un de ses alliés clés

Un revers intime. Benyamin Nétanyahou connaît bien Avigdor Lieberman, qui fut son mentor dans les années 1990 et son ministre à plusieurs reprises. Mais le chef du parti nationaliste et laïc Israël Beiteinou lui a refusé le vote de ses cinq députés, pourtant essentiels pour obtenir une majorité parlementaire. "Avigdor Lieberman fait à présent partie de la gauche", a lancé le Premier ministre, rapporte Le Monde

Le plan de route de Benyamin Nétanyahou a dérapé sur le vieil antagonisme entre laïcs nationalistes et ultra-orthodoxes, autour de l'exemption de service militaire dont bénéficient des dizaines de milliers d'étudiants des écoles talmudiques. Avigdor Lieberman s'est arc-bouté sur l'exigence d'une loi annulant l'exemption systématique des ultra-orthodoxes. Une "question de principe", a-t-il martelé. Une ligne rouge pour le camp d'en face. Avigdor Lieberman, dont le parti se bat pour rester en vie à chaque élection, a donc trouvé là de quoi s'assurer l'adhésion d'au moins une partie des nombreux Israéliens qui voient dans l'exception ultra-orthodoxe une injustice.

Il doit faire face à un sérieux concurrent

La précédente campagne électorale a fait émerger un challenger de poids : Benny Gantz, candidat aux couleurs de l'alliance Kahol Lavan (Bleu et Blanc). Agé de 59 ans, ce fils de rescapés de l'Holocauste, ancien parachutiste, ancien commandant d'une unité de forces spéciales et ancien chef d'état-major, s'est distingué lors de ce scrutin, le premier pour ce novice en politique. Pourtant, aujourd'hui, Benny Gantz menace l'indétrônable "Bibi", arrivé au pouvoir en mars 2009. Sa liste de centre-droit a obtenu trente-cinq sièges à la Knesset, soit autant que celle Benyamin Nétanyahou.

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