Reprise de la chasse commerciale à la baleine au Japon : c'est "un acharnement d'un petit lobby ultra-nationaliste"
"Aujourd'hui en 2019, on ne devrait plus tuer volontairement des baleines, c'est inconcevable", dénonce l'association Sea Shepherd France.
En reprenant la chasse à la baleine à des fins commerciales, le Japon pourrait tuer jusqu'à 227 baleines dans ses eaux territoriales d'ici la fin de l'année. "C'est déjà 227 baleines de trop", a réagi lundi 1er juillet sur franceinfo Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France. La militante a dénoncé "un acharnement d'un petit lobby ultra-nationaliste au Japon" alors qu'"à peine 2% de la population japonaise mange de la baleine".
franceinfo : Malgré le moratoire et sous couvert d'études scientifiques, le Japon n'avait jamais vraiment arrêté de tuer les baleines ?
Lamya Essemlali : Tout à fait. Il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, le Japon est forcé d'assumer le caractère commercial de la chasse puisqu'il y a un moratoire depuis 1986. Mais en réalité, le Japon a commencé à chasser les baleines dès 1987 en Antarctique, avec un quota de 1 035 baleines par an, jusqu'à ce que Sea Shepherd intervienne et qu'on arrive à diviser ce quota par trois. Il chasse aussi dans le Pacifique, depuis 1994, et dans ses eaux territoriales évidemment. Donc aujourd'hui, il perd cet alibi scientifique en quittant la Commission baleinière internationale, et est forcé de se restreindre à ses eaux territoriales. Paradoxalement, dans les faits, le Japon va tuer moins de baleines en étant forcé d'assurer le caractère commercial qu'il était en mesure d'en tuer sous l'alibi scientifique.
Les partisans de la chasse à la baleine mettent encore en avant le caractère culturel ancestral de cette pratique. Est-ce que les Japonais mangent vraiment de la baleine ?
Non en fait, il y a un acharnement d'un petit lobby ultra-nationaliste au Japon. La vérité, c'est que les Japonais consommaient à peu près 200 000 tonnes de baleine dans les années 1960, et c'est tombé à 5 000 tonnes de nos jours. Il y a à peine 2% de la population japonaise qui mange de la baleine. Non seulement l'argument de la chasse comme pratique traditionnelle ne devrait pas prévaloir sur la préservation des espèces, mais en plus ce n'est même pas un argument qui tient la route.
Est-ce que cette chasse menacera la population de baleines ?
Les baleines sont particulièrement vulnérables. Elles sont au sommet de la chaîne alimentaire et sont attaquées de toutes parts. Il faut bien comprendre qu'à l'heure actuelle, le Japon va tuer 227 baleines dans ses eaux territoriales, d'ici la fin de l'année. C'est 227 baleines de trop. Aujourd'hui en 2019, on ne devrait plus tuer volontairement des baleines. C'est inconcevable. Maintenant, il faut bien comprendre que la pêche industrielle tue chaque année environ 330 000 baleines et dauphins. C'est la première menace sur la survie des baleines. Donc il faut aussi mettre les choses en perspective, la chasse baleinière aujourd'hui ne devrait plus exister, mais il faut qu'on s'attaque à la principale menace qui est la pêche industrielle.
Est-ce que d'autres pays chassent la baleine ?
La Norvège chasse la baleine, avec un quota d'environ 700 baleines. Donc c'est encore plus que le Japon. Elle chasse dans ses eaux territoriales uniquement, mais en violation du moratoire. La Norvège, contrairement au Japon, n'a jamais essayé de faire passer ça sous l'alibi scientifique. Elle assume tout simplement le caractère commercial et le fait qu'elle fait ce qu'elle veut dans ses eaux territoriales. Les pays sont souverains dans leurs eaux territoriales, et donc ils se permettent de passer outre les réglementations internationales.
Non seulement il n'y a aucune sanction pour ceux qui chassent dans leurs eaux territoriales, mais le Japon a été condamné en 2014 par le Tribunal international de La Haye (la plus haute instance juridique internationale) pour braconnage en Antarctique, et il n'a absolument pas payé l'amende qu'il devait payer. Il a d'ailleurs continué à chasser pendant encore trois ans. Donc il y a une impunité totale qui règne sur cette question-là.
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