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Journalistes et caméras: un demi-siècle de bouleversements

Entre les années 1960 et aujourd'hui, les reportages journalistiques ont connu plusieurs révolutions, dont celles de la vidéo et du numérique. Le travail des journalistes reporters d'images (JRI) a ainsi considérablement évolué: alors qu'il y a quelques dizaines d'années, la vitesse de transmission se chiffrait en jours, elle se réduit aujourd'hui à quelques minutes. Voire moins.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des reporters de guerre, sur le toit d'un hôtel, sous le feu de snipers, à Tripoli (Libye), le 26 août 2011. (AFP/PATRICK BAZ)

Les reporters qui partaient tourner des sujets pour Cinq colonnes à la Une, l’émission pionnière des magazines d’infos, à partir de 1959, se servaient de caméras Auricon utilisant des films argentiques, en noir et blanc, puis en couleur à partir de 1967. Il fallait emmener 300 à 400 kilos de matériel pour les tournages, dont 100 kilos pour l’éclairage. Au plan technique, le son et l’image étaient enregistrés à part ; et le journaliste devait ensuite synchroniser les deux bandes. Quant à l’équipe, elle comprenait habituellement six personnes ; un réalisateur, un journaliste, un cameraman, un assistant, un preneur de son et un éclairagiste.

Lors de la guerre du Biafra (1967-1970), l’équipe de Cinq Colonnes avait besoin de deux mois entre le début de la mission et son retour à Paris avec les films. Films dont la diffusion a permis de faire connaître un conflit méconnu.

Dans les années 70-75, les journalistes utilisent des caméras d’épaule: les Coutant, du nom d’un ancien cameraman et la AATON, considérée comme la Rolls de ces drôles de machines, pourvu d'une poignée en bois, faite sur mesure pour chaque possesseur. Cette dernière permettait, grâce à l’inscription en clair de l’heure sur la pellicule et la bande magnétique, de retrouver les éléments image et son du tournage pour les accoler.  

Caméra avant l'ère de la vidéo (COMSTOCK IMAGES)

Le milieu des années 1970-1974 voit l’apparition des premières caméras vidéo : la Thomson MK3 avec une carte Secam et la Sony. Il s’agit de caméras d’épaule. Elle sont reliées par un gros câble triaxal au magnétoscope, ce qui peut être source d’accident pour le preneur de son qui a la gestion de l’appareil d’enregistrement; le poids de ce dernier dépasse, au début, les 14 kilos. C’est le «sondier» qui déclenchait  la caméra par un signal.

«Le matériel n’était pas encore très fiable. Un goutte de pluie sur le matériel et cela pouvait être la panne», indique Jacques Deveaux, grand reporter à France 2.    

La deuxième révolution dans le métier vient de l’apparition des Betacam, en 1983, qui marque le début de la fin du preneur de son. Cette nouvelle génération d’appareils électroniques bénéficie d‘une publicité extraordinaire lors de l’invasion de la Grenade par les Américains, le 25 décembre 1983. Le journaliste de l’agence Sygma Michel Parbot, présent sur l’île des Caraïbes, est alors équipé d’une «Beta». Il est le seul journaliste à assister au débarquement des marines et ses images vont faire le tour du monde.

Ce matériel, qu’un seul journaliste utilise, est cependant assez peu performant pour la lumière ; les JRI se servent souvent d'un petit projecteur d’appoint, la «minette».

Une autre des évolutions dans la profession vient de l’évolution des transmissions. Grâce au système d’Inmarsat, une société de télécommunications exploitant des satellites, les journalistes peuvent envoyer les reportages de tous les points du globe. Ils utilisent pour cela une valise type Samsonite, qui une fois dépliée, fait office d’antenne et peut transmettre les signaux désirés. C’est avec ce système que, durant la première guerre du Golfe (1990-1991), les équipes de reportage de France Télévisions ont pu envoyer les sujets à leurs chaînes.

Numérique: dernier progrès en date
Ultime progrès apparu au début des années 2000 : le numérique. La lumière est alors transformée en signaux électriques qui magnétisent une bande. Dans un premier temps, les informations sont enregistrées sur des cassettes analogiques puis, quelques années plus tard, sur des disques ou des cartes-mémoires. Pour l’image numérique, le poids important des données pose des problèmes de transfert. D’où la nécessité de compresser celles-ci par un procédé qui élimine les informations redondantes de la vidéo ou élague, grâce aux algorithmes, un certain nombre de données visuelles. Tout est une question de logiciels et d’ordinateurs !

Depuis 2012, de nouvelles caméras permettent d’envoyer le contenu d’une vidéo, via internet, pratiquement en même temps que le tournage des images.

Tout au long de ces bouleversements technologiques, les journalistes ont dû apprendre un nouveau langage pour rendre quasiment instantanément leur copie. Alain Lardière, le directeur des reportages et des moyens de l'information des rédactions nationales de France télévisions, explique qu'«à Montpellier, la station de France3, peut envoyer des vidéos plus rapidement que le temps".  

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