La Côte d’Ivoire fait renaître sa savane
Tenter de protéger les espèces en disparition : le nouvel objectif de la Côte d’Ivoire qui a commencé à créer des espaces protégés. Un exemple : le parc d'Azagny, à une centaine de kilomètres à l'ouest d'Abidjan, où s’est rendu pour France Info, Maureen Grisot (RFI).
Abandonné pendant dix ans, en raison de la crise socio-politique, ces 22.000 hectares de savane devraient bientôt renaître (grâce notamment à une aide de la France). Pour l'instant, toutes les infrastructures de ce parc sont en ruines, et reste est à reconstruire pour développer le tourisme tout en préservant la biodiversité. "Ici nous sommes sur les ruines de l'hôtel campement du parc national d'Azagny ", raconte sur place le lieutenant Kanga, agent de l'OIPR – l'office ivoirien des parcs et réserves, chargé de la surveillance d'Azagny. "C'est un hôtel qui a été dévasté juste après la crise de 2002. Présentement, nous sommes à la recherche de financements pour le réhabiliter".
Contrairement à beaucoup de zones naturelles protégées dans le pays, ce parc a été relativement épargné pendant les dix années de crise : ici très peu d'arbres ont été coupés ou vendus, et il reste encore un grand nombre d'animaux. Quand d'autres aires protégées ont été rasées pour laisser la place aux plantations de cacao, la nature a plutôt repris le dessus pour préserver ce trésor de biodiversité, un territoire magnifique, fait d'eau et de savane. Plus de trois ans après la fin de la crise post-électorale les agents du parc voudraient enfin mettre en valeur ce patrimoine.
Potentiel touristique
Le lieutenant Kanga est convaincu de son potentiel touristique. "Là-bas nous voyons la grande savane. C'est là-bas qu'il y a la plupart des animaux : les chimpanzés, les buffles et les éléphants" . Une nature qui attire déjà les touristes ? "Beaucoup " sont venus "ces derniers temps ", confie le lieutenant, "ils viennent s'enquérir de l'état du parc, ils viennent voir, les singes. Ils viennent découvrir la nature, la forêt primaire, parce que c'est pas tout le monde qui a la chance de voir encore une forêt primaire avec la déforestation accrue dans nos pays ".**
Un couple de Français sort justement de la forêt. Emar et Sabine viennent de Vendée pour passer leurs vacances en Côte d'Ivoire, d'où est originaire Emar. "On a découvert les vestiges de l'ancien hôtel et puis la balade dans le but de voir un éléphant ou deux mais on n'a rien vu, on a vu quelques traces d'éléphants, on a vu un pangolin. J'ai vu une mangouste en fait, c'est tout ", racontent-il. "Y'a plein de choses à faire, en se levant à l'aube, on n'a pas vu de singes mais à mon avis y'en a! On est allés en Martinique et en Guadeloupe et on voit la Côte d'Ivoire comme les îles antillaises, il y a vraiment plein de choses à développer" . Faut-il encore plus développer le tourisme ? Emar est "désolé de voir qu'il existe un potentiel pareil qui ne soit pas exploité. On a visité les vestiges, ça devait être assez beau à voir, c'est magnifique! Ça reste quelque chose à développer et à reprendre surtout, quitte à le confier à un privé de manière à ce que ce soit exploité si l'Etat n'a pas les moyens de le mettre en œuvre ".
La réhabilitation démarre doucement
Impossible en effet de ne pas regretter l'état d'abandon dans lequel a été laissé ce parc. Dans les années 90 pourtant les curieux venus d'Abidjan, Ivoiriens comme étrangers, louaient les 16 chambres de l'hôtel éco-touristique, et côtoyaient les scientifiques venus observer les animaux. Le capitaine Brou de l'OIPR en a bien conscience : il espère que le déblocage prochain d'un programme de financement via l'annulation de la dette de la Côte d'Ivoire envers la France – le C2D – permettra de faire redémarrer le parc sur ces bases qui avaient fait sa réputation. "La réhabilitation de toutes les infrastructures qui existaient auparavant, est prévue, notamment au niveau des postes pour la surveillance et au niveau touristique les miradors, les passerelles" , explique le capitaine.
Mais la réhabilitation de l’hôtel n’est pas encore budgétée, "pour le moment nous sommes à la recherche de partenaires. On souhaite donc que vous, qui avez la voix qui porte au niveau de la presse, vous puissiez aussi nous aider à ce que cet Eco hôtel soit réhabilité parce qu'il faisait la fierté du parc d'Azagny ".
Eléphants en fuite
D'après les gardes il y avait 60 éléphants dans le parc avant la crise. Aujourd'hui ils ne sont plus qu'une poignée. Quatre ont été amenés ici grâce à une ONG étrangère en janvier dernier : ils avaient dû fuir les incursions de planteurs qui ont détruit le parc dans lequel ils vivaient dans le centre du pays. L'Etat avait promis de mettre les moyens pour veiller à leur bien-être, ils se sont pourtant récemment échappés du parc d'Azagny. De nouveau dans la nature, leur présence risque de créer des tensions avec les paysans qui pourraient les abattre s'ils se sentent menacés ou si leurs récoltes sont endommagées.
Cette fuite montre l'importance d'investir encore dans la surveillance de cette zone si fragile selon le capitaine Brou, « il faut au moins trois véhicules au niveau du parc pour ne pas donner l'occasion à ces braconniers de tuer les animaux qui restent, parce que déjà nous avons perdu beaucoup d'éléphants. Il faut aussi des motos. Les trois quarts du périmètre il faut passer par l'eau, bien sur les braconniers passent par là. Ils ont leurs pirogues, ils rentrent côté eau comme côté terre pour aller chasser dans le parc ». Autre atout pour les touristes, Azagny, étant couvert en grande partie d'eau, pourrait bientôt devenir une réserve marine.
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