Mali : Keïta élu nouveau président, son rival reconnaît sa défaite
Une fois que sa victoire sera officiellement confirmée, Ibrahim Boubacar Keïta aura notamment pour tâche prioritaire d'ouvrir des négociations avec les Touareg du nord du pays.
Avant même le dépouillement de la totalité des suffrages, Soumaïla Cissé a reconnu, lundi 12 août, sa défaite au second tour de la présidentielle au Mali. Il est allé féliciter son rival Ibrahim Boubacar Keïta, l'ancien Premier ministre qui devient donc le nouveau président du Mali.
A l'issue du premier tour du 28 juillet, "IBK" partait largement favori pour le second. Il a obtenu le ralliement de 22 des 25 candidats éliminés, dont la majorité comptabilisait moins de 1% des suffrages. Retour sur cette élection qui se déroule après des mois de crise dans le pays.
Quelle fiabilité pour ce scrutin ?
"Après près des deux tiers des bulletins dépouillés, IBK arrive très largement en tête", a affirmé lundi une source proche de la Commission nationale de dépouillement. Des estimations non officielles, établies de sources sécuritaires maliennes, avaient donné auparavant Ibrahim Boubacar Keïta largement en tête face à son rival du second tour. Mais Gouagnon Coulibaly, directeur de campagne de Soumaïla Cissé, avait dénoncé des "fraudes massives" et accusé l'administration du régime de transition d'être "partisane".
En dépit de la menace d'attentats de groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda, le vote s'est déroulé sans incidents majeurs dans cette région. Selon Louis Michel, chef de la mission d'observation de l'Union européenne, "il n'y a absolument rien de douteux ou de suspect à signaler, ça s'est déroulé dans de bonnes conditions, dans un climat serein, calme"."Celui qui sera élu, sera élu avec la légitimité démocratique, c'est ma conviction", a-t-il ajouté.
Si le taux de participation au premier tour avait été de 48,98%, un chiffre exceptionnel pour ce type de scrutin au Mali, selon des observateurs maliens indépendants, au second tour, il est en baisse, "à environ 45%". En dehors de fortes pluies qui ont perturbé le vote dans le Sud, notamment à Bamako, de nombreux électeurs semblent avoir considéré que les jeux étaient faits en faveur d'IBK.
Quels défis pour le nouveau président malien
IBK aura la très lourde tâche de redresser et de réconcilier un pays traumatisé et affaibli par dix-huit mois d'une profonde crise politique et militaire, qui avait débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le Nord. Un coup d'Etat militaire le 22 mars 2012 avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes jihadistes et criminels, en grande partie chassés par l'intervention militaire franco-africaine toujours en cours.
Le conflit a plongé en 18 mois le Mali dans la récession, accentué la pauvreté, ravivé les tensions entre communautés touareg, arabes et noires, et provoqué un exode massif de population, environ 500 000 déplacés internes et réfugiés. Ce sont les soldats français et ceux de la mission de stabilisation de l'ONU au Mali (Minusma) qui, en appui de l'armée malienne, ont assuré avec succès la sécurité des deux tours de la présidentielle.
Qui est IBK ?
Ibrahim Boubacar Keïta, 68 ans, est un cacique de la vie politique malienne, à la réputation d'homme à poigne se réclamant de la gauche. Ibrahim Boubacar Keïta est resté très discret au moment du coup d'Etat du 22 mars 2012. Durant sa campagne pour la présidentielle, il a affirmé que son objectif prioritaire était la "réconciliation". "Je ramènerai la paix et la sécurité. Je renouerai le dialogue entre tous les fils de notre Nation", a-t-il martelé dans ses rassemblements électoraux, qu'il commençait en récitant des versets du Coran.
Né en janvier 1945 à Koutiala (dans le sud du pays), Ibrahim Boubacar Keïta fait des études littéraires au Mali, au Sénégal et en France. Au début des années 1980, il est conseiller du Fonds européen de développement, puis chef d'un projet de développement dans le Nord du Mali. Il milite dans des organisations qui contestent le pouvoir du général Moussa Traoré, renversé en mars 1991. Elu président l'année suivante, Alpha Oumar Konaré lui confie plusieurs postes à responsabilités, dont celui de Premier ministre de 1994 à 2000.
Comme chef du gouvernement, Ibrahim Boubacar Keïta gère une crise scolaire et des grèves qui paralysent le Mali. Il fait durement réprimer les grévistes, et fermer les écoles, décrétant une "année blanche" (invalidée) pour la période scolaire 1993-1994. Il ferraille également contre les opposants au régime d'Alpha Oumar Konaré, resté dix ans au pouvoir, de 1992 à 2002.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.