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Microcrédit : le miracle contre la pauvreté n'a pas eu lieu

Très en vogue dans les années 90, le microcrédit a longtemps été présenté comme la solution au problème de la pauvreté. Est-ce en raison de son succès ou de ses résultats mitigés qu'il s'est banalisé? Les plus pauvres qui n’avaient pas accès au crédit ont-ils vu leur quotidien s’améliorer? Pour la Journée mondiale des coopératives et du microcrédit, le 2 juillet 2016, un bilan s’impose.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min

Expérimenté au Bangladesh par le professeur Muhammad Yunus dans les années 70, le principe de la banque des pauvres consiste à prêter aux plus démunis pour qu’ils créent leur petite entreprise. Depuis, le concept a gagné une grande partie des pays en développement et même certains pays riches. 

On estime aujourd'hui à 220 millions le nombre de bénéficiaires de la micro-finance. Des prêts de quelques dizaines ou de quelques centaines d’euros permettent de développer une petite activité économique et de créer son propre emploi.

Le microcrédit a montré son utilité
Les banques ne prêtent pas sans garanties, et donc pas aux plus pauvres. D’autant que le microcrédit en zone rurale est peu rentable. Il faut se déplacer dans les villages reculés, pour de petites sommes, récupérer les intérêts chaque mois, ce qui entraîne des frais de transports et de suivi. Cela explique en partie des taux d’intérêts à deux chiffres, qui ont largement entachés la belle idée de substituer la création d’activité à la «charité».

«Des taux élevés mais moins lourds que ceux pratiqués traditionnellement par les usuriers de villages, les mêmes qui rachetaient les récoltes à vil prix et obligeaient les paysans à hypothéquer leurs terres», affirmait Muhamad Yunus.
Avec le microcrédit, qui ne concerne que de petites sommes, la seule sanction si on ne peut pas rembourser, c’est d’être rayé des listes et de ne plus avoir accès à un nouveau prêt.
Remise du prix Nobel de la paix à Muhamad Yunus, à Oslo, le 10 décembre 2006. (AFP/ Daniel Sannum)

Avec des prêts de quelques centaines d’euros, on peut investir dans une machine à coudre et ouvrir une petite échoppe de tailleur, acquérir un vélo pour aller vendre ses produits sur le marché, ouvrir un salon de coiffure... Si cette activité permet de doubler ses revenus, le remboursement du prêt n’est plus alors perçu comme un fardeau insoutenable.

Contrairement aux prédictions pessimistes, on ne constate aucune frénésie de consommation irresponsable provoquée par «l’argent facile». Même s'il sert à acheter des biens durables – réfrigérateur, télévision, moto –, il permet surtout de développer de petites activités économiques par des investissements qui n’auraient pas pu être engagés autrement. Certaines dérives constatées en Inde et au Maroc ont été causées par des organismes qui, sous couvert d'activité de microcrédit, pratiquaient en réalité du prêt à la consommation avec taux d'intérêts délirants. Or, le microcrédit consite à soutenir des projets ciblés, à des taux raisonnables.

Réguler la micro-finance
Des études de terrain mettent en évidence un impact limité sur le bien-être des populations. Le microcrédit finance en général des micro-activités familiales qui peinent à se transformer en véritables entreprises capables de trouver leur place sur le marché et de créer de l’emploi.
Le credo, qui voit un entrepreneur dans chaque pauvre, ne correspond pas à la réalité. Beaucoup de clients de la microfinance sont des entrepreneurs forcés, ils s’achètent un emploi car ils n’en ont pas le choix. C’est pourquoi ils en restent en quelque sorte à une économie de subsistance.

Les programmes de microcrédit pour régler des situations d'urgences (inondations, sécheresses, réfugiés) sont rarement remboursés, car la population est dans une situation de survie. En revanche, ils se révèlent très utiles pour ceux qui sont en bonne santé, dans une situation stabilisée et ont indentifié une opportunité économique.

Le miracle n'a pas eu lieu
«On pensait avoir trouvé une solution miracle contre la pauvreté, le microcrédit était un candidat crédible, mais le miracle annoncé n’a pas eu lieu», affirme l’économiste française Esther Duflo. «Une des limites du microcrédit est qu’il finance essentiellement des activités à toute petite échelle, de très faible croissance, peu créatrices d’emplois», d'autant plus si les activités financées se font concurrences. Dans les rues des villes d’Afrique ou d’Asie, on voit d’innombrables petites épiceries, vendant les mêmes produits, dont les bénéfices suffisent à peine à payer un salaire minimal, malgré de longues journées de travail.

«On ne constate aucun signe d’une transformation profonde de la vie des familles : le microcrédit n’a pas eu d’impact durable sur la santé, la scolarisation des enfants. C'est-à-dire à une vraie sortie de la pauvreté», explique la professeure au MIT.
«Même si la micro-finance n'éradiquera sans doute jamais la pauvreté, elle est un complément essentiel à l'aide au développement» affirme Jacques Attali, président de la fondation Planet Finance.

Si le microcrédit a le mérite d’inclure dans le système financier une population particulièrement fragile et isolée, il ne peut pour autant remplacer des investissements massifs dans l’éducation, la santé, l’eau, ou les transports qui sont à la base d’un réel développement.

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