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Ahmed Mansoor : «Défendre les droits de l'Homme est un devoir patriotique»

Lauréat du prix Martin Ennals pour la défense des droits de l'Homme, Ahmed Mansoor, a été arrêté aux Emirats arabes unis le 19 mars 2017. Il est accusé notamment de publication de «fausses informations» et de «nuire à la réputation du pays». Géopolis l'avait interviewé à l'occasion de la remise de son prix à Genève le 6 octobre 2015.
Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Ahmed Mansoor, défenseur des droits de l'Homme à Dubaï en 2011. (Reuters/ Nikil Monteiro)

 
Ce prix, attribué par dix ONG dont Amnesty et Human Rights Watch, peut-il vous aider à défendre les droits de l'Homme aux Émirats arabes unis?
Ce prix prestigieux me donne plus de visibilité et une dimension internationale. C'est une protection pour moi. Les autorités seront plus prudentes avec un militant des droits de l'Homme reconnu internationalement et qui constitue une référence crédible dans le domaine des droits humains.   
 
Les Emirats arabes unis sont considérés comme un pays progressiste et moderne. Qu'en est-il des droits de l'Homme ? 

Les Émirats évoluent beaucoup dans le domaine économique, celui du bâtiment ou des infrastructures, mais régressent sur le plan des droits humains. Le contraste est criant.
On peut dire que ça va de mal en pis. Le Printemps arabe a constitué une étape nouvelle dans la violation des droits humains. Depuis 2011, des centaines de personnes ont été arrêtées et emprisonnées. Il s'agit souvent d'arrestations arbitraires qui ne respectent pas les normes internationales. Il y a aussi de nombreuses disparitions inexpliquées. Hormis quelques appels télephoniques, les personnes sont maintenues au secret dans des prisons dépendantes de la sécurité de l'Etat, sans avocat et sans droit de visite. Il y a de nombreux cas de tortures physiques et morales.
 
Vous-même avez été emprisonné pendant 8 mois, après avoir lancé une pétition pour réclamer des réformes. Cela ne vous-a-t-il pas dissuadé de continuer ?
Non, bien au contraire, le fait d'être emprisonné de manière injuste n'a fait que renforcer ma détermination à lutter pour la liberté d'expression et les droits humains à cause justement des violations dont j'ai été victime. Je n'ai pas assez de courage pour reculer.
J'ai toujours beaucoup cru aux principes de justice et d'égalité et je continue d'y croire. Je ne peux pas fermer les yeux sur les violations des droits humains et sur les ingérences des services de sécurité dans la justice. La justice doit être totalement indépendante et juste. La défense les droits humains, aussi difficile qu'elle soit, est pour moi un devoir patriotique.
Peut-être que je n'obtiendrai pas de mon vivant les droits que je souhaite pour mon pays, mais au moins j'espère que mes enfants et mes petits-enfants auront le droit de s'exprimer librement sans être menacés de répression. 
 
Vous êtes l'une des rares voix à défendre les droits humains dans votre pays. A votre avis pourquoi les jeunes Emiratis ne sont pas plus nombreux à suivre votre exemple?
Malheureusement, ceux qui militent pour les droits de l'Homme sont en prison ou en exil. Le meilleur avocat de ces droits et de ceux qui militent, est derrière les barreaux. Il y a une très forte répression. Tous les gens ne sont pas pas prêts à prendre des risques et à en payer le prix fort.
 

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